Julie Gerecht, navigatrice et entrepreneure, hisse les voiles vers le Finistère Sud

Julie Gerecht, navigatrice et entrepreneure, a trouvé son équilibre de vie à la pointe du Finistère sud.

Julie Gerecht a choisi de vivre une vie pleine de projets, ouverte aux autres, remplie de passion et d’aventures. Skipper et entrepreneure, après 10 ans d’expérience dans le sport de haut niveau en voile (elle a participé en équipage aux Jeux Olympiques de 2008) et 10 ans de management en entreprise, elle est devenue consultante en nautisme et propose des programmes sur mesure pour les athlètes et les entreprises. Après toutes ces années intenses à bouger et voyager, elle a eu envie de trouver un lieu où se ressourcer, et c’est en pays Bigouden Sud qu’elle a choisi de s’arrêter, tombée sous le charme des paysages et de la nature, elle y a ouvert un gîte d’étape : le « Bigouden Backpacker ».

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TOST : Peux-tu te présenter aux lecteurs de TOST ?

«J’ai 39 ans, je suis entrepreneure et navigatrice. Ce que j’aime dans la vie, c’est faire des projets et surtout les réaliser. Je suis assez perfectionniste, j’ai pas mal d’idées. Maintenant je travaille avec mes valeurs, celles qui me poussent à l’action et sont ma source de motivation. Je recherche un rythme de vie, je sais maintenant ce que veux. »

« Depuis 5 ans, j’ai fait beaucoup de choses différentes, et maintenant j’ai besoin de simplifier ma vie, de passer du temps sur l’eau, d’aller à l’essentiel. »

« J’ai été Manager pendant plusieurs années d’un centre commercial au Havre, j’ai du arrêter complètement de naviguer, j’étais d’astreinte H24. En bateau je suis dans un autre état d’esprit, celui de l’apaisement. J’apprécie d’être sur l’eau et de prendre mon temps. Aujourd’hui j’ai la chance de concilier bateau avec plaisir.»

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TOST : D’où vient ta passion pour la mer ?

«J’ai commencé à naviguer à l’âge de 7 mois 1/2. Mes parents se sont rencontrés en bateau, dans un club de croisières. Pendant mon enfance, j’habitais dans la région parisienne. On partait chaque été naviguer pendant 1 mois, je passais tous mes mois de juillet en mer. J’ai fait des croisières en Croatie, Italie, Turquie, Antilles… »

TOST-Magazine-credit-Magali-Nouguier-Julie-GERECHT-Lechiagat-La-Torche-Juillet-2018-16TOST : Que représente le bateau, la navigation pour toi ?

« Pour moi un bateau n’est pas un espace restreint mais un espace de liberté. Il y a deux mondes, le monde de la mer et de la terre »

« Enfant lors des croisières en famille, je sortais souvent du bateau pour aller vers les autres et je me faisais des amis partout, armée d’une épuisette ! J’ai appris tôt la richesse des autres et le plaisir de partager des bons moments ; avec ma famille et avec des amis d’escales. Ça fait partie de mes valeurs, la bienveillance, le plaisir de partager des moments simples. J’adorais aussi m’installer dans le balcon avant du bateau et chanter en mer. Dormir sur un bateau, c’est un grand plaisir de marin : se réveiller et entendre le bruit de la mer avec des fois des personnes qui s’activent sur le pont… 

« La compétition, c’est différent, j’y suis venue pour apprendre un maximum, pour passer le plus de temps possible sur l’eau. C’est un milieu difficile, tu traces ta route, ça marche ou pas. Tous mes projets, mes entraîneurs et mes équipiers (ères) m’ont énormément appris techniquement et humainement. »

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« Pour moi la navigation c’est d’être dans le lâcher-prise imposé par la nature, à chaque sortie c’est de l’expérience que j’engrange. Ma motivation intrinsèque c’est de me faire plaisir avant tout, c’est un vrai levier de choix, sur l’eau comme dans ma vie de terrienne. »

«J’essaie, je ne me mets pas de limite, je ne m’arrête pas aux jugements des personnes, j’ai appris à suivre mon instinct. Je suis de nature optimiste, s’il y a un problème, je pense à la solution qu’on va devoir trouver, ça me permet de voir le bon côté des choses, de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Je crois qu’en ayant une posture opportuniste, ça permet de saisir les occasions. »

«Je suis « agile », je supporte l’incertitude. En bateau on est parfois en mode « adaptation » à 500 % ! On fait avec ce qu’on a, on doit prendre des décisions qui peuvent ne pas plaire à tout le monde, mais au fond tu sais d’après ton expérience que c’est la bonne.»

« On doit anticiper en fonction de l’environnement, du vent, on sait que le ventl va tourner, alors on accepte d’aller dans le refus parce que derrière quand le vent tourne, on remonte vite et on « encaisse la paquet ». Quand tu vires, tu passes devant tout le monde, c’est assez jubilatoire.»

« C’est comme dans la vie parfois, il y a des moments où tout va bien, il faut en profiter sans se poser trop de questions, « rester ou se mettre dans le bon sens » et des fois où ce n’est pas top mais tu sais que le vent va tourner, il faut savoir attendre.

« Quand on navigue, on est aussi dans la gestion des risques. J’essaie toujours d’être franche, honnête et en droite ligne avec moi-même.»

TOST : 10 ans de haut niveau en voile, les Jeux Olympiques et tes études supérieures, ce fut une période intense ?»

« J’ai fait une dizaine d’années en haut niveau en voile : championnats de France, du Monde, compétitions internationales, régates, courses au large, première femme de la section voile de haut niveau, puis participation en équipage aux Jeux Olympiques de Pékin, en 2008. J’ai aussi suivi une formation en économie et en marketing et Master Sport Santé Société, spécialité préparation mentale de sportif. À un moment, j’ai voulu arrêter et privilégier la fluidité de vie, c’est le luxe pour moi, c’est un vrai choix que j’ai fait. J’étais hyper ronde dans un monde carré, c’était pas tout le temps facile à vivre. »

« J’ai beaucoup voyagé pendant cette période de sport de haut niveau, c’était intense. On partait 11 mois par an et j’étais chez moi que quelques jours, il s’est passé une année où j’étais 250 jours sur l’eau.»

«C’était beaucoup de sacrifices. Ça m’a aussi apporté beaucoup, j’ai engrangé de l’expérience, et j’ai également beaucoup voyagé, fait de belles rencontres. J’aime bien partir, voyager, rencontrer d’autres gens et cultures mais aussi revenir chez moi. Aujourd’hui j’apprécie de retrouver ma maison, de me poser et j’apprécie le calme. J’essaye de vivre à un rythme moins soutenu. »

TOST : Tu as maintenant choisi de vivre en Pays Bigouden, quelles sont tes motivations et tes projets ?

« Je m’y sens bien. C’est un coup de cœur. Parce que c’est tranquille, c’est apaisant d’avoir la nature juste à côté, le port et la proximité avec l’océan. Sentir sa présence. J’ai fait ce choix, de manière impulsive à ce moment-là. Je voulais être proche de mon travail quand j’ai voulu ouvrir le Bigouden Backpacker ; l’endroit était vraiment au delà de mes attentes : un jardin clos, le local pour les vélos, la proximité de l’océan, des plages et du port de pêche… »

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« Au début Léchiagat, je ne connaissais pas. J’étais d’abord venue en Pays Bigouden au phare d’Eckmühl à Penmarc’h, c’est le premier endroit où je suis allée en Bretagne, pour une classe de mer en 6° ; je me souviens aussi de Kerity où on s’était baladé. Plus tard, je suis revenue en tant que touriste dans le pays Bigouden, je connaissais quelqu’un qui venait s’y installer. C’est d’abord La pointe de la Torche qui m’a attirée ; c’est un paysage qui m’a émue, il y avait des vagues, du vent, les oiseaux. Venant de Paris, d’aller à la plage tous les jours, c’est une qualité de vie que je n’osais pas imaginer, je ne savais même pas que ça existait ! »

« Je suis complètement consciente de la chance que j’ai tous les jours. Quand je vivais au Havre, je sortais et (presque) tout le monde me connaissait. Ce que j’apprécie en vivant ici dans le Pays Bigouden, c’est de pouvoir sortir librement, d’avoir cette tranquillité, de me sentir en accord avec moi-même et celle que je suis. Le climat est aussi super agréable, il fait souvent beau et il pleut pas aussi souvent que les gens se l’imaginent. L’hiver est rude, mais j’essaie de passer un mois au chaud. »

« En parallèle du gite d’étape Bigouden Backpacker, j’ai créé l’entreprise Sea Sport Training, ici en Finistère Sud, qui valorise le formidable terrain de jeu qu’est le territoire de Cornouaille. Je skippe quelques semaine dans l’année en croisière ou en régate, je donne des cours de conduite de projets au BPJEPS à l’INB de Concarneau et j’interviens comme conseillère sportive au Pôle Course au Large de Lorient. »

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À travers Sea Sport Training, je partage mon expérience de sportive de haut niveau en voile et de manager en proposant des programmes sur mesure pour les sportifs et les entreprises. Sea Sport Training s’appuie sur les compétences et infrastructures locales pour proposer des séminaires, stages, incentives, conférences, séjours incluant des prestations à la carte : préparation mentale et physique, coaching, diététique, récupération, cohésion d’équipe, lâcher-prise, gestion des risques, et bien sûr des activités de pleine nature dans un cadre préservé proche de l’océan sur le littoral Bigouden… J’aime travailler en équipe, de manière constructive et bienveillante.»

TOST : Cette passion pour l’océan, qu’est-ce qu’elle t’apporte ?

«J’aime être sur l’eau, je me sens trop bien en mer, si tu me dis demain tu pars vivre sur un bateau, je pars illico ! Je me sens plus à l’aise en mer que sur Terre. »

« Quand tu es skipper, tu barres ou pas, tu organises le bateau, le but est que les passagers apprennent à bord, s’entraident, s’entrainent et puissent régater. On peut faire une régate avec un skipper, c’est accessible au plus grand nombre. Des gens qui ne savent pas naviguer se retrouvent sur un départ de course et vivent des moments forts. C’est excellent de partager tout ça ensemble, c’est marquant, ça casse les barrières. »

« Je participe aussi à différents projets. Entre autre je pars chaque année au mois de Juin en Méditerranée avec une équipe de 6 skippers pour l’association « Rêves d’Enfants » qui a été créée par des étudiants d’HEC. C’est à chaque fois un moment très fort avec ces enfants en rémission de cancer à bord du bateau. On partage avec eux la vie sur le voilier, c’est une école de la vie, en mode « très intense ».  L’objectif est d’assurer la sécurité et de partager avec eux ma passion d’être sur l’eau et de les rendre heureux ; on ne fait qu’apporter une touche dans leur rétablissement mais je suis ravie d’y participer !»

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TOST : Quelle est ta devise ?

« Être en harmonie avec moi-même et avec la nature. »

« Un jour j’ai croisé une baleine au large du Portugal, elle a longé la coque du bateau, s’est retournée et m’a regardée. J’étais dans son monde, j’ai senti qu’elle m’observait et que je l’intriguais. J’aime me retrouver dans cette position où la nature est là, présente, omnisciente, on est simplement des invités chez elle. »

TOST : Quel est l’endroit dont tu te sens la plus proche (TOST) ?

« Je dirai l’archipel des Glénans, île de Penfret. C’est un endroit symbolique, où j’ai passé mes monitorats et beaucoup de mes vacances de parisienne. J’y ai vécu de bons moments et j’y ai de beaux souvenirs. J’y vais régulièrement. C’est un lieu magnifique, à la fois brut et sauvage où je me sens bien. Là-bas j’ai tout et j’ai rien, j’ai besoin de rien d’autre.

« À Léchiagat, je vais à la plage qui est juste au bout de la rue, je respire, je me détends, je me ressource, je  marche pieds nus  dans le sable, ça me suffit pour me sentir bien. Je me pose et j’évacue, je me sens plus légère. Ici je « m’ancre », c’est ce que je ressens en vivant ici.»

TOST : As-tu un lieu et une personne à nous recommander  ?

« Pour le lieu je recommanderai les Étocs, au large du Guilvinec et Penmarc’h. Il suffit de partir en mer, pas très loin, à une dizaine de minutes du port de Léchiagat, pour se retrouver complètement immergé dans le milieu marin, voir les animaux sauvages, les phoques, à l’état naturel et sauvage.»

« Une personne qui m’inspire : Alix Levain, c’est une de mes meilleures amies. Elle est éco-antropologue et ethnologue et chargée de recherche au Département Hommes, Natures, Sociétés du Muséum National d’Histoire Naturelle à Paris. Elle étudie entre autre la prolifération des algues vertes en Bretagne et son impact sur l’environnement littoral, avec une vision sociale. Elle fait le lien entre la mer et la terre. On partage la passion pour le bateau. C’est un ange descendu sur Terre. C’est une fille ultra sérieuse et bienveillante. Elle fait des choses complexes et arrive à l’expliquer simplement avec un regard différent. C’est une personne discrète qui fait des choses extraordinaires. »

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Sur la toile

SEA SPORT TRAINING

sea-sport-training.com

Gîte d’étape à Treffiagat-Léchiagat « BIGOUDEN BACKPACKER »

bigouden-backpacker.fr

Facebook : Bigouden-Backpacker

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Interview & photos de Magali Nouguier
Instagram @magnoug

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Alena Ehrenbold : des montagnes Suisses à l’océan Atlantique, elle veut vivre ses passions à fond !

Alena Ehrenbold : des montagnes Suisses à l’océan Atlantique, elle vit ses passions à fond !

Alena est une « fille de l’eau », un peu bohème, un peu poète, un peu sirène, elle a grandi au bord du Lac de Lucerne au pied des montagnes suisses. Elle a choisi de devenir surfeuse après avoir appris « sur le tard » à dompter les vagues, puis a voulu en faire son métier car passionnée et douée. Elle a découvert récemment les vagues et les paysages du Finistère, qui est devenu un nouveau pied à terre…Alena aime aussi raconter des histoires autour de sa passion qu’elle partage avec tous à travers la réalisation de films et court-métrages.

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Alena m’avait donné rendez-vous à la pointe du Raz, dans l’atelier-café-boutique « Monsieur Papier », situé au bout du monde, dans l’ancien Relais de l’île de Sein d’où partait depuis le petit port le bateau qui faisait les liaisons avec l’île de Sein dans les années 50. Ce jour-là, c’était un temps bien breton, dehors, le vent et le crachin qui rougissaient nos joues, nous ont poussées à nous abriter à l’intérieur.

Nous nous sommes installées confortablement autour d’un cappuccino, sur une table située derrière les baies vitrées de la véranda de l’atelier, avec une vue imprenable sur l’océan et la lande. Ce n’est pas un hasard si Alena m’a invitée à la rejoindre dans ce café situé à la pointe du Finistère, Alena est ici dans son élément, nous sommes en effet entourées de créatures marines : poissons, phares, crabes, coquillages, bateaux, et autres curiosités en tous genres qui prennent vie imprimés sur le papier des carnets, livres, affiches, et déco, vendus dans la boutique des deux créatrices du lieu.

TOST – Peux-tu te présenter aux lecteurs de TOST ?

« Je m’appelle Alena, je viens de Suisse et je suis free-surfeuse. J’écris aussi des articles et des scripts de films, que je produis et que je réalise. Je voyage aussi beaucoup, je pourrais presque dire que je suis une « nomade-professionnelle ».

TOST – Tu as grandi près des montagnes en Suisse, qu’est-ce qui t’as attiré vers l’océan ?

« J’ai grandi à Lucerne, près du lac, au milieu des montagnes enneigées. J’ai ensuite obtenu un master en économie à l’université de Zurich, puis je suis devenue professeur en droit et en économie au lycée et dans une école pour adultes en reprise d’étude, à Lucerne. Il y a 3 ans et demi, j’ai tout lâché et je me suis permise d’essayer de vivre à plein temps comme surfeuse professionnelle et directrice de films, mes deux passions. »

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TOST – Comment t’es-tu mise au surf et que représente le surf pour toi ? Que t’apporte-t-il dans ta vie ?

« Avant de surfer, j’étais déjà sportive, je faisais de l’athlétisme et du karaté à haut niveau. J’ai aussi toujours passé du temps près de l’eau, c’est mon élément. Mes parents allaient au lac de Lucerne et on voyageait beaucoup. »

« La mer me fascinait déjà avant de commencer à surfer. J’ai grandi en ville, mais j’aimais partir à l’aventure. Depuis toute petite, j’aime être au bord de l’océan, proche de la nature, c’est à la fois apaisant et ressourçant, c’est « méditatif », ce côté-là me plait beaucoup. Tu te sens en lien avec la nature, tu te déconnectes de tes préoccupations quotidiennes.»

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« C’est quand j’ai rencontré mon copain de l’époque, qui était passionné de surf que j’ai découvert ce sport. J’avais le choix : aussi essayer de surfer ou attendre sur la plage, et je ne suis pas du style à rester passive, je préférais aller à l’eau, même si au début ça n’était pas facile ! C’est comme ça qu’à 21 ans, j’ai pris un cours de débutant de surf au Portugal, ça m’a beaucoup plu. »

« De retour en Suisse, il n’y avait pas de vagues ^^ ! J’avais toujours cet objectif, pendant mes études, dès que j’avais du temps et assez d’argent, je partais surfer. Pendant 5 ans j’ai fait comme ça, je voulais progresser, car je faisais partie d’un groupe d’amis qui surfaient à un bon niveau, et je courais toujours après eux, pour rattraper leur niveau. Ils me motivaient et étaient exigeants. Quand nous partions en Italie ou en France pour le weekend ou pour quelques jours, ils étaient cash : « tu peux venir mais tu fais pas ‘’iech‘’ ». J’avais intérêt à progresser ! Finalement, j’ai obtenu mon diplôme de Master en Économie et le diplôme pour enseigner. J’ai eu donc les moyens de voyager plus souvent. »

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« J’ai pu aller dans d’autres pays, rencontrer d’autres surfeurs et m’en inspirer. Je partais avec une ou deux planches, une combinaison et une valise. J’étais seule à surfer, et je n’avais pas beaucoup d’amis qui pouvaient m’accompagner, du coup je voyageais souvent seule. C’était inhabituel pour moi au départ car je n’étais pas vraiment indépendante, je faisais souvent les choses à plusieurs, en famille ou entre amis.»

« Ça m’a poussée à me prendre en main si je voulais atteindre mon objectif et atteindre un bon niveau. C’était vraiment l’aventure, je devais me débrouiller toute seule, être autonome, me motiver. Un vrai défi. Cela m’a également permis de m’ouvrir et d’aller vers les autres. »

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« En 2010 j’ai commencé à travailler au lycée comme Professeur d’Économie, c’était mon premier emploi fixe. Quelques fois le directeur de l’école me permettait de prendre des congés supplémentaires d’une ou deux semaines pour partir pour un projet ou pour les compétitions. Et je partais toujours pendant les vacances, j’étais à fond quelques soient les vagues. Ce qui m’a permis ensuite d’entrer dans la Team Nationale de Surf Suisse, de participer aux compétitions et d’avoir des sponsors. J’avais une double-vie de professeur et de surfeuse, et ce jusqu’à mes 32 ans. Le week-end je prenais ma voiture, je partais en direction de l’Italie en hiver, quelque soit le temps. J’ai eu de meilleures planches (pas du tout facile à trouver en Suisse !), de nouveaux sponsors et j’ai ensuite vu une petite chance de pouvoir vivre du surf en tant que professionnelle. »

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TOST – Que penses-tu de l’image de la femme dans le surf ?

« Comme j’ai commencé à surfer très tard, je suis passée par toutes les étapes, depuis le niveau débutante jusqu’au haut niveau. C’est un sport plutôt machiste et archaïque. Encore aujourd’hui je suis souvent la seule fille sur le spot. On commence par me braquer les vagues, je dois montrer que je surfe bien, je dois m’imposer. Quand les conditions sont grosses ou bonnes, c’est souvent chacun pour soi : fille ou garçon, aucune différence. On ne se fait pas de cadeau entre surfeurs, je dois prouver que je suis capable autant qu’un homme sur le pic. Je pense que c’est en train de changer, nous sommes dans une phase de transition. Il y a encore plein d’endroits où les femmes ne s’autorisent pas à surfer. Souvent la culture du surf s’est imposée. Par exemple en Australie et en Californie tout le monde en fait. Les choses évoluent. »

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TOST – Tu es également productrice (Blue Road Surf Film), scénariste et réalisatrice de court-métrages et documentaires, comment t’es venue cette nouvelle passion ?

« Je suis arrivée au film par l’écriture. Avec le surf, j’ai commencé à écrire, ça m’a toujours manqué de ne pas avoir la vidéo. J’avais le texte, les photos, il me manquait l’image animée.»

« J’ai toujours été très rêveuse, l’imagination parle, j’écris, je visualise des choses et des idées. Et j’ai envie de les partager à travers mes films. »

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TOST – Comment choisis-tu ton équipe de réalisation, comment est-elle constituée ?

« Comme je ne suis pas trop « technicienne », j’ai cherché des professionnels. J’ai réalisé « I WANNA SURF » le premier film sur la communauté surf de Suisse. On est parvenu à réunir l’argent, on a fait un crowdfunding. J’étais plutôt productrice que réalisatrice.
Et j’ai ensuite écrit mon premier script avec « BLUE ROAD ». Sur ce film, il y avait 4 monteurs et cameramen/women. J’étais réalisatrice et j’ai pu m’exprimer davantage. Et encore plus avec « TAN ». Sur ce dernier film, j’ai travaillé avec Yohann Strullu (blackpixels.fr). C’est une relation de travail qui marche très bien. J’apprécie énormément son travail et son esprit, nous sommes une bonne team.»

TOST_Surf_Finistere_Alena_Ehrenbold_©Thomas_Bonderf-6113©Thomas Bonderf

TOST – Que souhaites-tu transmettre à travers tes films ?

« Pour « BLUE ROAD » je me suis intéressée à la question de l’importance de la passion dans une vie. Je me suis rendue compte que je n’étais pas la seule. Je pouvais raconter cette histoire avec d’autres points de vue que le mien. Annabelle Talouarn, Rachel Bonhote et moi étions déjà des copines, ça marchait bien. À travers des portraits authentiques de surfeuses, j’ai voulu proposer une vision personnelle du surf féminin aujourd’hui. »

TOST_Surf_Finistere_Alena_Ehrenbold_©Thomas_Bonderf-6719©Thomas Bonderf

« Pour « TAN » j’ai voulu raconter l’histoire de Robin Goffinet. Robin fabrique des planches de surf (shaper) en Finistère dans la Baie d’Audierne. J’étais une cliente au début, puis nous sommes devenus amis. J’ai voulu raconter son métier, comment il travaille. J’ai écrit un script sur lui. »

« J’ai trouvé intéressant d’apprendre à le connaitre, d’analyser ses valeurs et sa façon de vivre. J’ai passé beaucoup de temps à l’observer, trouver ce qui serait intéressant à raconter, se laisser inspirer par son histoire. Une question s’est posée : comment Robin, tout en étant très sollicité par son métier reste-t-il fidèle à ses convictions et ses valeurs ? Il est aussi question du rapport entre le temps, son métier et sa passion.»

« Je suis contente car ce film a remporté plusieurs récompenses dans le monde, et également dans des Festivals de Film de Surf réputés, aux Etats-Unis, en Australie. C’est un film qui fait écho aux valeurs de nombreuses personnes. »

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©Thomas Bonderf

« Dans le prolongement de la réalisation, je viens de fonder avec des bons amis le Swiss Surf Film Festival (SSFF). C’est un festival qui aura lieu fin avril à Lucerne, en Suisse, où nous allons projeter des productions des quatre coins du monde. Il y aura aussi des expos, un bar, des concerts, des bons petits plats… Le tout, les pieds dans l’eau du lac, devant le coucher de soleil sur le Pilatus (sommet emblématique de la région). On attend des films du monde entier, d’Afrique du Sud, d’Australie, d’Irlande, de France, etc. et aussi de Suisse. ! Et je suis également en train d’écrire le script d’un nouveau film. »

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TOST – Tu viens régulièrement poser tes valises dans le Cap Sizun, pourquoi aimes-tu venir au Bout du Monde ?

« J’aurais pu choisir tous les endroits du monde. Je suis très liée à la Suisse, à ma famille, mes potes. L’Australie, destination idéale pour surfer, c’était trop loin. Je préférais rester en Europe et être plus près de mes proches. Je suis souvent allée dans les Landes, et surfé sur la côte Sud-Ouest. Je ne me sentais pas vraiment à l’aise là-bas, et j’ai découvert la Bretagne.»

« J’étais attirée par le Finistère. Je savais que je pourrais y surfer, et j’ai accroché dès la première visite, ça m’a plu tout de suite. J’étais touchée par la nature, les plages, les vagues, ça m’inspirait. Ici j’ai rencontré des gens qui sont devenus mes potes. »

« Je ne suis presque jamais plus de deux semaines dans un endroit. Entre les projets de films, les photos, les compétitions, les conférences, je bouge tout le temps. Le Finistère est devenu un nouveau pied à terre, c’est un endroit où je me ressource, où je peux être créative chaque fois que j’y pose mes valises. Depuis 5 ans j’aime le Finistère par tous les temps, toutes les saisons. Qu’il pleuve ou qu’il vente. J’aime la variété des spots entre Brest et Penmarc’h. J’ai maintenant la chance d’y avoir de nombreux amis.»

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TOST – Quelle est ta devise ? 

« If you don’t go, you don’t know ! »

TOST – Quel est l’endroit dont tu te sens la plus proche (TOST) ?

« C’est l’eau. Un lac, une rivière ou surtout la mer ! Au pire une piscine ou même la douche pour dépanner 😉 »

TOST – As-tu un lieu et une personne à nous recommander – qui t’inspirent ?  

« Dans une autre occasion j’aurais dit le Finistère, mais bon.. du coup, un peu plus exotique : les îles d’Indonésie. La culture, la gentillesse des gens, la nourriture, la nature, les vagues. »

« Pour la personne à recommander, je dirais Albert Würsch chanteur et compositeur du groupe « Al-Berto and the fried Bikinis ». C’est un très bon ami à moi et une des personnes les plus positives sur terre ! » 

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Sur la toile

alenaehrenbold.ch
Instagram : @alenaehrenbold
Facebook: alena.ehrenbold

blueroadsurffilm.com
Vimeo : vimeo.com/blueroad

Swiss Surf Film Festival
1ere édition du 26 au 28 Avril 2019 à Lucerne – Suisse
swisssurffilmfestival.ch

Monsieur Papier
www.monsieurpapier.fr

Al-Berto and the fried Bikinis
Alena featuring dans le clip « Miel »

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Interview de Magali Nouguier & photos de Guillaume Prié

Sauf mentions ©Thomas Bonderf
Instagram @thomasbonderf

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Au pays des merveilles de Marianne Larvol

 

Au pays des merveilles de Marianne Larvol

Nous nous sommes retrouvées, un matin de juin, au café des Filets Bleus sur le port du Rosmeur, à Douarnenez. Marianne est illustratrice et semble tout droit sortie de l’univers qu’elle dessine, un monde peuplé d’élégantes sirènes et de dragons multicolores. La manière dont elle joue avec les couleurs, les volumes et les perspectives nous replonge doucement dans notre imaginaire d’enfant. On retrouve chez elle le côté rêveur et pétillant de ses personnages, un mélange surprenant de poésie colorée et de douce fantaisie.

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TOST – Pour commencer, j’aimerais savoir comment tu définis ton métier. Comment te présentes- tu ?

«Marianne Larvol – Graphiste-illustratrice, la plupart du temps. Mais j’ai l’impression que c’est selon ce que je fais sur le moment, parce que parfois je suis plus dans l’illustration, parfois c’est vraiment du graphisme.»

TOST – Quel est ton parcours ?

«Moi, je dis souvent que je n’ai jamais arrêté de dessiner. J’ai dessiné, comme tous les enfants, mais je n’ai jamais arrêté comme la plupart des ados qui au bout d’un moment lâchent les crayons parce qu’ils ont autre chose à faire. Moi, ça m’a toujours tenu.
Quand j’étais petite, je m’ennuyais vite. Ma mère avait toujours un bloc de feuilles et un bic dans son sac et ça nous occupait pendant des heures, ma sœur et moi, on restait sages comme ça. Ça a toujours été quelque chose qui m’a beaucoup plu. J’adorais dessiner comme la plupart des enfants, et ça m’a tenu jusqu’à maintenant.»

«Arrivée en terminale, je me suis demandée ce que je voudrais faire. Ce qui se dégageait de plus en plus c’était le dessin et l’image en général. Alors, j’ai suivi une copine qui tentait le concours des Beaux-Arts et j’ai été prise. A partir de là, j’ai fait deux ans de Beaux-Arts. ça m’a ouvert à plein de choses mais ça ne me correspondait pas entièrement parce c’était très axé sur l’art contemporain, les installations, la vidéo, ce qui n’était pas mon médium préféré. Alors, je suis partie à Bruxelles, en illustration, à Saint Luc. C’est une école d’arts visuels, graphisme, publicité et aussi illustration. J’ai fait trois ans là-bas. Au début, je n’accrochais pas et puis finalement, j’ai appris plein de choses sans m’en rendre compte, c’était un super enseignement.
En 2007, j’ai sorti mon premier livre* qui était mon travail de fin d’études et puis j’ai vivoté au début de ça et maintenant, j’arrive à en vivre, en faisant ce que j’aime.»

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Tost – Ce livre dont tu parles, c’est l’album « Ar roue Marc’h – Le roi Marc’h », un album jeunesse bilingue français-breton. Comment est né ce projet ?

«C’est mon frère qui a lancé l’idée. Il est instituteur bilingue à Douarnenez, il travaillait sur le conte avec ses élèves et il voyait que je commençais à me débrouiller en dessin. Comme il avait un contact avec la maison d’édition TES, il a proposé le projet qui a été accepté. C’est un conte breton qui se passe dans la baie de Douarnenez, une histoire assez étrange, proche de celle du roi Midas, une légende bretonne un peu à la manière des tragédies grecques.»

«Moi, ça m’a permit de faire mon projet de fin d’études et le fait qu’il soit publié par la suite, c’était super. C’était un sacré exercice parce qu’il y avait beaucoup de texte, il fallait montrer beaucoup de choses, faire beaucoup d’illustrations. C’était une grande première pour moi et je suis assez contente du résultat. Mon frère a réécrit le texte pour des enfants de 7 à 13 ans, pour que la lecture soit plus facile parce qu’il existe de nombreuses versions de ce conte mais pas forcément adaptées à ce public.»

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Tost – Tu as également fait deux albums** avec Gérard Alle. Il est plutôt connu pour ses romans policiers. Avait-il déjà écrit pour les enfants avant ces livres ?

«Non, je ne crois pas. On a travaillé ensemble parce qu’il avait plein d’histoires dans son tiroir. Ce sont des histoires qu’il inventait avec ses filles quand elles étaient petites. Le soir, avant de les coucher, il leur demandait de choisir des personnages, un lieu, un pays, et lui, avec tout ça, il inventait une histoire sur le moment. Et les meilleures, il les a notées. « La sieste du taureau » était l’une d’entre elles.»

Tost – Quand tu illustres des livres pour enfants, le point de départ est toujours le texte ?

«Oui, moi, je n’écris pas, je n’y arrive pas. Les projets sont venus vers moi à chaque fois. Ou alors on l’a construit ensemble avec l’auteur mais moi, je ne m’occupe pas de l’écriture. En revanche, je dis parfois qu’il y a des éléments du texte qui sont plus intéressants à montrer qu’à dire. Je pars du principe que, si c’est contenu dans l’image, il n’y a plus besoin de l’écrire. Donc ce qui arrive souvent, c’est qu’ on épure le texte, puisqu’il y a plein de choses qui sont dites par l’image.»

«Lorsque je lis le texte, j’ai une vision de l’histoire qui est instantanée et qui est ma vision propre, pas forcément celle de l’auteur, ni celle des autres lecteurs, ce qui fait que j’apporte mon point de vue. »

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«Pour « La sieste du taureau », on m’a dit que mes plans étaient très cinématographiques. J’ai été surprise parce que je n’en ai pas conscience. Je vois une scène de telle manière, je fais deux-trois croquis, histoire de choisir le meilleur angle, mais je ne me dis pas que je vais faire une scène cinématographique. C’est celle-là qui me vient en premier et c’est celle-là que je vais exploiter.»

«Je travaille l’image en gardant une place pour le texte, avec une composition un peu dynamique. Il faut soit que ça amène à la page suivante, soit que ça réponde à la page précédente : ça peut être une ligne d’horizon qui continue d’une page à l’autre par exemple, c’est bien qu’il y ait des correspondances. Et puis, il y a une histoire de point de vue : je pense que je me mets beaucoup à la place des personnages. Je crois que dans « Ma jardin ***» c’est comme ça, on est au ras du sol ou à la place de l’oiseau.»

«L’image permet d’apporter une seconde lecture : un point de vue un peu adulte sur le texte ou à l’inverse justement, un texte assez sérieux peut-être adouci par des dessins enfantins. Tout ça, c’est une osmose à trouver entre le texte et l’image.»

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Tost – Mais l’illustration n’est pas le seul aspect de ton métier…

«Je suis aussi graphiste, c’est ce qui m’occupe le plus finalement. Mais, j’arrive toujours à caser un dessin ou à jouer de la typographie comme si c’était des illustrations. Enfin caser, ça n’est pas le mot mais je dévie toujours vers ce que j’aime faire et je crois que c’est aussi pour ça que les gens m’appellent.»

«Maintenant, je fais aussi beaucoup de montage photo. J’ai toujours aimé l’informatique. Quand j’étais petite, mes parents avaient un vieil Atari et je passais mon temps sur Paint à mettre la tête de mon chien ou celle de mon père sur un dessin que j’avais fait. J’ai toujours bien aimé dessiner et bidouiller à l’ordinateur donc finalement tout ça se relie.»

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Tost – Comment choisis-tu les projets sur lesquels tu travailles ?

«La plupart du temps, je travaille pour des associations locales ou des gens que je connais ce qui fait que, souvent, leur projet me plaît. Récemment, j’ai travaillé pour l’éco-musée des Monts d’Arrée, pour une exposition sur les landes. On a fait un peu de muséographie, des jeux pour les enfants, toute une narration en montage photo sur une histoire qui s’est passée en 1850 dans les landes qui illustre la problématique entre les paysans, les propriétaires terriens, l’État. Par la narration, on fait comprendre plein de notions. C’était un bon medium pour eux et un bel exercice pour moi.»

«Ça arrive aussi que je fasse des choses qui me plaisent moins mais je fais en sorte que le résultat me plaise. Il faut que le client soit d’accord, bien sûr, mais il y a toujours moyen de trouver son compte dans un projet.»

Tost – Est-ce qu’il y a des outils dont tu ne pourrais pas te passer, qui sont la base de ton travail ?

«Moi, je suis dessin, je ne suis pas peinture. J’en ai fait pendant mes études mais ce n’est pas un médium qui me correspond. Donc, moi, c’est le dessin : crayon gris ou stylo Rottering, le trait avant tout. La gomme et le taille-crayon, avec ça normalement, je suis tranquille.»

«J’aime bien aussi les crayons de couleur. De bons crayons de couleur, c’est très agréable. J’ai découvert ça pendant mes études. Avant, je ne faisais pas attention à mon matériel et quand je suis arrivée avec la boîte de crayons de couleur Carrefour, ma prof m’a dit que ça n’allait pas le faire. Je me suis achetée des crayons plus chers mais bien meilleurs et là, j’ai découvert que ça glisse tout seul, les pigments sont là, il ne faut pas repasser quinze fois pour avoir une couleur vive, c’est très agréable. Mes préférés, ce sont les Faber- castell, ceux-là sont très agréables. J’en ai qui font 1cm maintenant à force d’avoir été taillés. L’aquarelle, l’acrylique, non, vraiment pas. Pour moi, la peinture, c’est sur les murs.»

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Tost – Justement, j’ai vu sur ton site que tu avais réalisé des fresques pour des chambres d’enfants.

«Oui, j’ai commencé à Bruxelles où j’avais été logée par un couple de copains qui venait d’avoir un enfant. Ils m’ont proposé de décorer la chambre. J’ai choisi le thème de la jungle, dans les tons caramel, chocolat. Et puis, deuxième enfant, deuxième fresque. Maintenant, j’ai ma maison, j’ai eu deux enfants, j’ai pu aussi le faire…J’adore faire ça et c’est quelque chose que j’aimerais développer mais ça représente beaucoup d’heures de travail. Donc, ce sont plutôt des cadeaux de naissance que vraiment des commandes.»

«J’ai aussi exposé au Quartier pour la semaine de la petite enfance. Le Quartier est fermé maintenant mais avant ça, tous les ans, il y avait une expo qui restait entre trois semaines et un mois. Le projet s’appelait « Jardin sonore » et j’avais une liberté totale. J’ai peint sur les murs un jardin en ombres chinoises, en une seule couleur : bleu. Il y avait un côté potager, des arbres et j’avais créé plein d’objets. C’était pour les tous-petits de 0 à 5 ans, donc il fallait que les choses soient douces, qu’ils puissent déambuler sur le ventre, à quatre pattes.»

«J’avais fabriqué des coussins sonores, j’avais acheté des guirlandes bleues qui brillent (Noël venait de passer) pour faire une cascade, en-dessous, il y avait du papier bulle bleu. Il y avait les légumes du potager en matière polaire avec des grelots à l’intérieur, il y avait une mésange géante, faite avec un gros ballon sur lequel j’avais cousu un oiseau, on pouvait le pousser et le faire voler, et puis plein de petites choses à regarder, qui faisaient du bruit et qui étaient intéressantes à toucher. J’ai adoré faire ça.»

Tost – Quand on voit tes dessins, on reconnaît tout de suite ton univers. Comment as-tu trouvé ton style ?

«Le style se créé un peu tout seul. Je voudrais faire autre chose que je n’y arriverais pas. Ce n’est pas que je suis coincée dedans mais parfois, je vois des images qui me plaisent énormément et je me dis que je vais travailler plutôt ce style-là parce qu’il me parle. Je m’engage sur un chemin de création, je travaille la mise en page, les couleurs et puis quand je me réveille au bout de deux-trois heures, c’est une image de Marianne Larvol, c’est systématique. Ça n’est pas forcément un choix mais pour moi, le dessin aboutit à ça, tout simplement.»

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Tost – Y a-t-il des choses que tu ne sais pas dessiner ?

«L’abstrait. Après en figuration, je ne saurais pas tout faire. Je ne dessine pas de manière très réaliste ou alors, ça me demande beaucoup de travail. Mais l’abstraction, je ne sais pas faire du tout. Pourtant, j’aimerais parfois jouer avec les formes, les couleurs ; je vois des choses magnifiques, mais je n’y arrive pas. Je suis très figurative : il faut toujours qu’il y ait une histoire, quelqu’un qui regarde quelqu’un d’autre, qu’il y ait des petits détails, des personnages, des animaux, des objets… toujours.»

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Tost – Comment trouves-tu l’inspiration ?

«Parfois, il suffit que quelqu’un m’appelle pour un projet et les idées sont là. Ce ne sont pas toujours de bonnes idées mais il faut que j’aille jusqu’au bout pour le savoir. Et même si en cours de route je me dis que ça ne va pas, il faut que je finalise pour dire que ça ne marche pas et pouvoir passer à autre chose ; sinon, je vais y revenir tout le temps.
C’est comme pour des affiches, il y a des typographies que j’utilise tout le temps et il faut que je les ai mises sur le texte pour voir que ça ne fonctionne pas, pour pouvoir passer à autre chose. Même si je sais que ça ne va pas fonctionner, il faut que je les essaie quand même. La plupart du temps, l’inspiration vient toute seule et j’avoue que j’ai plutôt de la chance parce que, souvent, les premiers jets sont les bons.»

«J’ai travaillé pour Inizi, par exemple, l’association qui promeut la culture sur les îles du Ponant. Ils travaillent à la basse saison, de septembre à juin et donc trois trimestres. Ils avaient besoin de support pour leur communication et donc on est parti sur un tryptique. Quand j’ai proposé le projet, j’ai fait un crayonné, mais il ne rendait pas du tout mon idée, donc j’ai mis de la couleur. Je leur ai pratiquement fini le projet alors qu’il n’était pas encore accepté. C’était juste une rencontre pour voir dans quel sens on pouvait aller, je me suis un peu emballée, mais finalement ça a plu. C’est difficile de proposer juste un crayonné qui ne rend pas du tout l’idée finale avec la couleur donc parfois je suis tentée d’aller jusqu’au bout du projet parce que j’ai envie que les gens voient ce que ça va donner à la fin.»

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Tost – Qu’est-ce qui influence ton travail ? Est-ce que c’est le travail d’autres illustrateurs ou d’autres choses, des films que tu vois, des livres que tu lis ?

«Tout, je pense. Le quotidien en général. Beaucoup d’illustrations. Il ne faut pas me laisser dans une librairie avec une carte bleue parce que je flambe mon budget.»

«Je suis très friande d’illustrations jeunesse et de romans graphiques. C’est l’image qui m’appelle. Maintenant, je suis une grande lectrice de romans mais avant, je lisais uniquement des BD et des livres illustrés, il n’y a que ça qui me parlait.»

«J’adore les illustrateurs comme Marc Boutavan qui a fait le dessin animé Mouk, le duo d’artistes Icinori ou Lorenzo Mattotti par exemple. Christophe Blain aussi, c’est magnifique. J’aime les couleurs, la composition, la manière de traiter les attitudes.»

«J’aime bien aussi les miniatures du Moyen Age, les enluminures, les lettrines j’adore les petites choses précieuses avec de belles majuscules qui illustrent les écrits, je trouve ça superbe. Il n’y a pas longtemps, je suis tombée sur des codex d’Amérique Centrale du temps des conquistadors. Des moines sont allés retranscrire les légendes aztèques, mayas et récolter les visuels et les représentations. C’est fait sur de belles matières, c’est précieux, minutieux, c’est superbe.»

«Tout cela m’inspire en plus de tout le reste : ce que je lis, ce que me racontent les enfants, que ce soit à l’école, à la maison ou au centre de loisirs. Les films sans doute aussi, et puis l’entourage, les copains… Je regarde, j’intègre, je digère et puis, ça sort d’une manière ou d’une autre.»

Tost – Tu as un autre métier que tu évoquais à l’instant. Tu es animatrice au centre de loisirs où tu travailles avec les enfants. Comment cela nourrit-il ton travail ?

«Je suis un peu la référente dessin et arts plastiques. Je fais les coloriages quand il n’y en a plus. On me demande des choses tout à fait improbables. Je dessine des chats-sirènes, des dragons-vampires. J’ai des commandes extrêmement précises. Un zombie-ninja ? Aucun problème, il suffit de demander. C’est plutôt drôle et c’est un sacré entraînement. Leur univers est très riche et tout à fait farfelu ce qui en fait aussi une bonne source d’inspiration.»

«Je les initie aussi aux pop-ups. C’est une grande passion, ces temps-ci. J’ai des livres magnifiques chez moi et j’adore décortiquer les mécanismes qui font que ça s’ouvre, ça se soulève, ça se déplie. Les enfants trouvent ça magique et j’avoue que moi aussi. Tu dessines une princesse et quand tu ouvres la page, elle se lève comme par magie : ça fait son effet à chaque fois.»

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Tost – Tu n’as jamais envisagé d’enseigner le dessin ?

«Pourquoi pas ? Transmettre, enseigner, c’est quelque chose qui me plaît mais il faudra faire une croix sur autre chose dans ma vie professionnelle.»

«J’ai animé des ateliers dans le cadre des T.A.P. (Temps d’Activités Périscolaires). J’aime bien travailler seule dans mon atelier mais au bout d’un moment, ça peut être long. Avec les enfants, je fais le plein de bruit, d’action, de collègues, d’échanges et après, je suis contente de revenir devant mon ordinateur au calme. C’est complémentaire.
J’aimais bien ces ateliers. Au centre de loisirs, les enfants sont là pour s’amuser et c’est moins facile de les avoir attentifs sur un long moment alors qu’aux T.A.P., c’est la règle : on est ensemble pendant une heure et demie. Et les enfants, à cet âge, sont en attente de tout, ils sont curieux, dynamiques. Il suffit d’enrober un peu les choses pour leur donner envie et hop, tout le monde est emballé, c’est super !»

Tost – Y a- t-il des domaines ou des mediums que tu n’as pas encore explorés et qui t’attirent ?

«L’animation. J’en ai fait un tout petit peu et j’ai bien aimé mais c’est très chronophage. C’est aussi une autre manière de voir les choses. Moi, je vois tout en plan fixe. Animer les personnages, c’est autre chose. J’ai des copains qui font ça à Bruxelles. Ils ont lancé leur studio qui s’appelle Tabass & Co et c’est beau, c’est très très joli. Ils ont fait un clip magnifique pour une chanteuse canadienne, Mélissa Laveaux.»

Tost – Quel est l’aspect de ton métier que tu aimes particulièrement ?

«Ce que je préfère, c’est le début : quand quelqu’un m’appelle et que l’inspiration arrive, quand toutes les idées viennent et qu’il va falloir essayer de les reproduire sur papier. Ça fuse dans tous les sens et après, il faut essayer de faire une illustration qui soit à la hauteur de l’idée de base, c’est un beau challenge.
Oui, avoir la personne au téléphone qui me raconte les projets et voir les images qui arrivent, c’est ce que je préfère parce que je ne m’y attend pas. Je ne sais pas pourquoi les gens vont m’appeler et malgré tout, c’est instantané.»

Tost – C’est une chose d’avoir les idées mais c’est parfois difficile d’arriver à les reproduire fidèlement, qu’en penses-tu ?

«C’est de la pratique. J’y arrive de temps en temps mais pas toujours. C’est là qu’on se rend compte que ce n’était pas une bonne idée, je comprends que mon idée est tellement farfelue que ça ne rendra rien du tout ou je n’arrive pas à ce que je veux et je ne sais pas pourquoi, ce n’est pas le bon jour, ou bien mon idée est super mais elle ne colle pas du tout avec le projet. Parfois, je vais jusqu’au bout quand même pour moi et je garde en archives.»

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Tost – A quoi ressemble une de tes journées de travail ?

«Ma journée commence par aller boire un café sur le port, tous les matins à 9 heures. Et à 9h30, je suis devant mon ordinateur.
Souvent, pour ce qui est de l’illustration, je commence par dessiner. Mon bloc de dessin est sous mon clavier. J’ai mon crayon porte-mine et je dessine tout au crayon gris.
Pour la mise en couleur, je passe à l’ordinateur. Je scanne mon dessin et après je bidouille jusqu’à avoir un résultat satisfaisant.
Changer les couleurs, rajouter des textures, gommer, remettre, changer le nez de place… tout ça, je le fais à l’ordinateur parce que c’est quand même un outil qui fait gagner du temps. Refaire un dessin par rapport à modifier quelque chose sur un fichier photoshop, il n’y a pas de comparaison.»

«Je fais beaucoup d’informatique parce que maintenant les mises en page se font par ordinateur pour avoir un résultat propre, clair, lisible. Et tout se fait par mail. Finalement, je pourrais travailler à Molène que ce serait pareil, pour certains aspects.»

Tost – Puisque tu parles de lieu de travail, il y a trois questions que j’aime bien poser pour terminer. Tost magazine parle des gens, des lieux et des objets qui nous inspirent. Alors, quel est le lieu que tu préfères ou qui te ressources ?»

«Le lieu qui m’inspire, je crois que c’est ici. Je viens tous les jours, par tous les temps. C’est magnifique.»

Tost – Le port ou le café ?

«Les deux, mais surtout le port.»

«Le port du Rosmeur. Quand il fait moche, c’est beau. Quand il fait beau, c’est encore plus beau. Quand il y a de la brume, c’est superbe. J’adore, le matin surtout : le soleil est pile en face, c’est super joli.»

Tost – Quelle est la personne qui t’inspire ?

«Je dirais mes parents parce qu’ils ont toujours cru en moi et en le fait que je vivrais un jour du dessin, je pense. Ils m’ont toujours poussée dans les études, ils m’ont accompagnée sans me montrer leurs doutes, parce que je pense qu’ils en avaient. Et eux, ils ont toujours vécu dans l’idée que la vie professionnelle, c’est une chose, mais à côté, il y a plein d’autres choses. Les associations, le jardin, les enfants, etc. Alors on a un emploi d’accord, mais on n’est pas forcé de s’y épanouir ou d’y passer des heures, par contre en dehors du travail, il se passe énormément de choses. Maintenant, ils sont retraités et entre la musique, le breton, la couture, l’encadrement, on ne peut presque plus les voir, et je trouve ça très riche. Ils sont très inspirants et assez fantaisistes.»

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Tost – Quel est l’objet qui t’es indispensable ?

«Mes crayons, tout simplement. Ceux qui m’accompagnent tous les jours au travail, dans mon sac. Le crayon gris en particulier, la base.»

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* Ar Roue Marc’h – Texte de Gwenole Larvol, illustrations de Marianne Larvol – Editions TES
** La sieste du taureau – Texte de Gérard Alle et illustrations de Marianne Larvol – Editions Locus Solus
*** Ma jardin – M. Larvol et P. Salaün – Editions TES

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Sur la toile

Site internet de Marianne Larvol : www.mariannelarvol.sitew.fr

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Interview d’Elfenn Quemener & photos de Guillaume Prié

#TostMagazine #TostHaTost

Dieuveil Ngoubou et Lancine Koulibaly, pointures de la mode éthique

Dieuveil Ngoubou et Lancine Koulibaly, pointures de la mode éthique

C’est un vrai plaisir de faire la connaissance de Dieuveil et Lancine, deux garçons « bien dans leurs baskets » : inspirants, jeunes, ambitieux mais pas prétentieux, et un peu fous aussi !

Ils se sont lancés en 2018 dans l’aventure de l’entrepreneuriat et de la mode, en créant leur propre marque de baskets ecofriendly « UMOJA Shoes » à Brest.

Un concept valorisant à la fois le savoir-faire artisanal traditionnel africain et les matériaux eco-responsables. UMOJA, c’est aussi une belle histoire d’amitié entre les deux entrepreneurs.

TOST : Pouvez-vous vous présenter aux lecteurs de TOST ?

Lancine Koulibaly :

«J’ai 28 ans, j’ai fait une licence en économie à Brest suivi d’un master en Statistiques à Niort, puis j’ai travaillé dans un grand groupe d’assurance à Paris. J’ai beaucoup de goût pour les chiffres et ce qui est technique, ça demande de la rigueur et j’aime ça. Par contre je n’étais pas comblé dans mon travail, je cherchais à donner un sens à ma vie, je me posais des questions sur comment être en adéquation avec mes aspirations. Je me suis rendu compte que cet environnement ne me permettrait pas d’atteindre mes idéaux et j’ai compris que je devais radicalement changer mes perspectives. »

Dieuveil Ngoubou :

«Je viens d’avoir 26 ans, ça fait 8 ans que je vis à Brest. Je suis né au Congo et j’ai ensuite vécu en Côte d’Ivoire, je suis arrivé dans le Finistère à 18 ans, pour faire mes études supérieures. J’ai fait du Droit et de l’Histoire à l’université. Je ne me reconnaissais pas dans le droit, car cela demande par moment de rentrer dans un moule et cela ne me correspondait pas. C’était assez pesant pour moi. J’ai préféré étudié l’Histoire car il y a moins de compétition, et plus de solidarité. Je voulais faire de la recherche mais je suis très vite arrivé à la conclusion que ce n’était pas fait pour moi. J’ai malgré tout appris beaucoup de choses à la fac et fait de très belles rencontres.»

Lancine Koulibaly :

« Nous nous sommes rencontrés à l’UBO par le biais du grand-frère de Dieuveil. J’ai beaucoup aimé être étudiant à Brest, car j’y ai rencontré mes amis, il y a une bonne ambiance. C’est une ville pas cher, on peut se débrouiller en faisant des petits boulots, les Brestois sont hospitaliers et accueillants. Au premier abord ils paraissent assez froids mais en faisant connaissance avec eux, ils sont généreux et ouverts. »

« Quand je suis parti à Niort, je m’ennuyais énormément, à Brest il y a une ambiance plus festive. Des personnes arrivent et repartent, il y a une belle ouverture d’esprit. On ressent la chaleur humaine et le contact y est plus facile, les gens s’entraident. Brest est spéciale pour ça, c’est pour ça que j’aime cette ville. »

TOST : Comment vous est venu l’idée de lancer cette marque de baskets ? Quel est votre parcours d’entrepreneurs ?

Dieuveil Ngoubou :

«Quand Lancine est parti à Niort, nous sommes restés en contact. Quand j’ai arrêté la Fac, j’ai pensé à l’Entrepreneuriat. Il y avait une petite crainte et je ne voulais pas me lancer seul. On en a beaucoup parlé tous les deux avec Lancine. »

« J’ai décidé de partir en Afrique de l’Ouest en Mai 2017, c’est là que j’ai une partie de mes repères. Je cherchais à mieux connaitre la filière textile et l’artisanat local. Par exemple, la Wax est très connue en Europe, car colorée, mais ce tissu ne profite pas forcément aux artisans locaux. Malheureusement le procédé reste industriel et le succès de cette fabrication fait concurrence à l’artisanat textile traditionnel local.»

« Je suis rentré en France avec l’envie de changer cela et j’en ai discuté avec Lancine, notre souhait était de valoriser cet artisanat africain en travaillant main dans la main avec ces artisans. On se demandait comment, c’est comme ça que nous est venu l’idée de créer des baskets: produit de mode intemporel. »

« Nous avons souhaiter limiter le nombre d’intermédiaires pour aller à la source et contrôler tout le processus afin de permettre à ces artisans de vivre dignement de leur art tout en donnant des garanties de transparence au consommateur final.»

Lancine Koulibaly :

« Se lancer dans l’entrepreneuriat c’est une aventure ! J’ai pris mon temps avant de lancer la marque, je me suis cherché et j’ai tenté plusieurs expériences professionnelles. Dans le secteur des assurances, il y a pas mal de pression, c’est très carriériste, assez individualiste, humainement ça ne me convenait pas, je ne me sentais pas bien, bien que le métier me corresponde assez, mais pas l’état d’esprit. C’est comme ça que j’ai de plus en plus songé à l’entrepreneuriat, choisir une voie qui me convienne et qui ait du sens. »

« Ce projet répondait à une quête de sens, j’arrivais à une période où je me demandais ce que je préférais faire dans ma vie, gagner beaucoup d’argent, faire « carrière » ? Mais je ne me sentais pas en accord avec moi-même. Je ne me sentais pas « utile », je trouvais mon métier très répétitif, je savais que je n’allais pas le faire toute ma vie. »

« Je souhaitais m’investir dans un projet professionnel en accord avec mes valeurs, comme aider d’autres personnes, et mettre l’humain avant tout. C’est pour cela que j’ai voulu m’investir dans la création de cette marque avec mon ami Dieuveil.»

TOST : Que veut dire UMOJA ?

Lancine et Dieuveil :

« Nous avons choisi ce nom, car il a du sens, Umoja signifie « unité », « créer du lien » en langue swahili et aussi « fraternité » dans une langue de l’ouest de la Côte d’Ivoire. »

TOST : Quelles sont les valeurs d’UMOJA Shoes ?

Dieuveil Ngoubou :

«On voulait développer une entreprise où les relations humaines prennent toute leur importance, partager les savoir-faire, créer du lien entre les personnes, de l’artisan vivant en Afrique à celui qui porte une paire de baskets UMOJA à Brest. »

« Avant de développer notre projet, nous avons également découvert le monde de la mode. Nous nous sommes renseignés sur toute la chaîne de fabrication d’un produit. Pour fabriquer une paire de baskets il peut y avoir jusqu’à 40 intermédiaires. C’est assez fou quand on y pense.  »

« Nous souhaitions changer un peu les règles, fabriquer des baskets qui seraient avant tout éthiques et solidaires. Nous avons la volonté de vendre des chaussures en circuit-court, avec des matériaux éco-responsables, fabriquées par des artisans que nous avons choisi en fonction de leur savoir-faire et de leur implication sociale dans leur communauté. Sans perdre de vue le style et le soin dans les finitions en utilisant de beaux matériaux. Nous voulions créer des modèles de chaussures confortables, belles, mais qui racontent aussi une histoire que tout le monde peut s’approprier.»

Lancine Koulibaly :

« Notre concept est « slow fashion » : proposer des belles chaussures, confortables, fabriquées dans le respect de l’environnement et des personnes, tout en valorisant les savoir-faire traditionnels. »

« On propose une alternative à la « fast fashion » non respectueuse des ouvriers et très polluante. On souhaite être le plus vertueux possible même si notre modèle reste encore perfectible. Placer l’humain au cœur de la marque. On veut proposer une autre manière de faire de la mode et pourquoi pas donner envie aux autres de faire pareil. »

« On a également choisi une politique de prix abordable, de s’aligner sur les prix des concurrents pour démocratiser un autre mode de consommation. Une personne qui fabrique une basket de grande marque d’équipementier très connue ne peut même pas se la payer. Cela nous amène à nous poser les bonnes questions sur les prix que nous proposons. »

« Bien qu’on ne soit pas « issus » de la Mode, on voulait mettre en avant les artisans en leur permettant simplement de vivre de leur artisanat. Si le projet se développe, (on l’espère évidemment), créer plus tard des emplois en Afrique et en Bretagne. »

TOST : Comment faites-vous le design de vos chaussures ?

Lancine Koulibaly :

« Nos baskets mêlent l’art africain à un procédé de fabrication responsable. On a par exemple décider de se passer du cuir. On a privilégié et testé le liège avec l’atelier d’assemblage au Portugal. Il fallait que ça résiste aux machines.»

« Nous les dessinons ensemble, nous faisons d’abord des croquis, puis ensuite un ami les met sur ordi et on les envoie à l’atelier d’assemblage à Porto. »

« On voulait bien sûr que nos chaussures ne soient pas trop désagréables visuellement, on voulait casser le cliché « hippie » de la mode éthique, et proposer des modèles « casual » et « trendy ». Ce sont de belles chaussures que les gens veulent porter. On a aussi souhaité sortir des codes très répandus de la mode africaine souvent connotée comme colorée. On voulait montrer qu’il existe aussi d’autres motifs et matériaux, qu’on peut trouver d’autres styles en Afrique, des tissus nobles et raffinés. Démocratiser ces motifs, sans que ceux qui les portent sachent forcément que c’est « africain ». Les chaussures doivent aussi pouvoir être portées par des personnes qui veulent simplement de belles chaussures sans aucune connotation particulière. Elles sont faciles à porter par tout le monde et elles ne ressemblent à aucune autre paire de chaussures. »

TOST : Comment avez-vous choisi les tissus ?

Dieuveil Ngoubou :

« La mode serait aujourd’hui l’une des industries les plus polluantes de la planète. En contre-pied à cela, nous tenions à ce que notre première gamme de chaussures soit fabriquée au maximum à partir de matériaux naturels : coton biologique, fibres de raphia ou de bananier, Mutuba, un tissu conçu à partir de l’écorce d’un arbre que l’on trouve en Ouganda, et des teintures végétales et minérales.»

« Nous nous sommes rendus dans cinq coopératives situées au Mali, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Sénégal et Ouganda. Chacune d’elles avaient déjà un large choix de tissus, nous avons choisis parmi ces modèles, nous avons vraiment voulu utiliser des tissus avec des motifs traditionnels nobles sans les dénaturer (à part le modèle avec le triskell). »

« Nous avons fait au cours de notre voyage la découverte de ces artisanats, nous avons vu que chaque pays a sa spécificité et nous avons étendu notre gamme de motifs et tissus en fonction des pays visités. Comme en Côte d’Ivoire, où traditionnellement c’est le raphia qui est utilisé. On a aussi les toiles en coton de Khorogo (Picasso, Basquiat s’en sont inspirés.) peintes avec des teintures naturelles. Et ainsi de suite, chaque pays à sa spécialité et son propre style. »

« Les coopératives avec qui nous travaillons ne sont pas uniquement choisis pour leur savoir-faire, mais aussi pour leur implication sociale, par exemple au Mali, nous travaillons avec un atelier qui participe à l’autonomisation des jeunes sortis du système scolaire via la formation à la peinture traditionnelle. La coopérative propose également un système d’épargne pour les artisans, c’est un modèle basé sur la solidarité. Au Burkina Faso, notre partenaire permet la réinsertion des femmes fragilisées en les formant au tissage. Certaines ont été mises au banc de la société à cause du patriarcat et cette coopérative leur permet de retrouver leur dignité. Nous travaillons avec des gens qui changent le monde avec des valeurs humaines. »

« Comme nous cherchions des alternatives au cuir, nous avons découverts des textiles à base d’écorce d’arbre : le Mutuba. L’écorce est battue puis mise au soleil à sécher, puis enterrée pour lui donner sa couleur, c’est un procédé très naturel, artisanal et traditionnel. »

Lancine Koulibaly :

« Ce voyage était aussi une véritable aventure, on a fait plus de 30 000 kms en deux semaines. Quand je suis allé en Ouganda, j’étais dans la brousse, j’ai voyagé avec mon sac à dos, pris les bus sur des pistes interminables, je me suis rendu dans des petits villages reculés, ce qui était très dépaysant pour moi. Quand je rencontrais les artisans j’essayais de me mettre à leur place et je cherchais à comprendre comment ils travaillaient. »

« Par exemple, le procédé de fabrication du Mutuba est fastidieux et long. Il faut attendre 7 ans pour que l’arbre arrive à maturité, et ensuite il faut encore attendre 7 mois que l’écorce se régénère naturellement après extraction. L’écorce est récoltée pendant la saison des pluies, puis longuement battue à l’aide de maillets en bois pour lui donner une texture souple et fine et une couleur ocre uniforme. On en trouve surtout au Rwanda et en Ouganda. Avec l’urbanisation, et l’arrivée du coton qui l’a peu à peu remplacé, ces arbres ont disparu. Il faut aller loin en forêt pour en trouver. Avant tout le monde s’habillait comme ça en Ouganda. Ce tissu issu d’écorce est protégé et reconnu comme Patrimoine immatériel par l’UNESCO, afin de protéger la production et conserver ce savoir-faire. Et maintenant nous vendons des chaussures avec ce type de tissu, ce que personne n’avait fait auparavant. C’est vraiment unique ! »

« Lorsque nous avons entrepris ce voyage de l’Afrique au Portugal, nous avons partagé nos rencontres et expériences sur les réseaux sociaux (cf Facebook et Instagram d’Umoja à la fin de l’article). On veut faire vivre à nos « followers » cette aventure. C’est une  belle expérience que nous ne souhaitions pas garder seulement pour nous. Avant d’être « créateurs » nous sommes aussi consommateurs d’où la nécessité de partager toutes les étapes à notre communauté. »

TOST : Comment avez-vous réussi à lancer la fabrication de votre première gamme de chaussures ?

Dieuveil Ngoubou :

« Nous avons été lauréats à deux concours : « 100 jours pour entreprendre »  et remporté le 3e prix du jury « Création des entreprises éco-citoyennes ». Cela nous a permis de créer un réseau, de gagner en visibilité et d’acquérir une certaine forme de légitimité et reconnaissance auprès des professionnels ce qui a permis de donner du poids au projet. »

« Nous avons également lancé la campagne de crowdfunding en mai 2018 sur la plateforme ULULE, et voir si la communauté répondait favorablement à notre concept, de tester le produit et de lancer la production. Puis nous avons également fait les voyages sur nos propres économies. On s’est aussi serré la ceinture, car on y croyait et nous avons mis toutes nos chances de notre côté : « on y croit, on y va! ». On a eu 154 paires de chaussures en précommandes grâce à la campagne sur ULULE. Nous tenions à livrer toutes ces paires avant la fin de l’été. C’était un sacré challenge, car la campagne a été un succès. »

TOST : Quelles sont les prochaines étapes ?

Lancine Koulibaly :

« Nous allons constituer la société, faire une levée de fonds, créer du stock, déposer nos chaussures dans des concept-stores en France et en Europe (Allemagne et Autriche), lancer notre nouveau site e-commerce. »

Dieuveil Ngoubou :

« Nous faisons partis du label « un autre monde est possible » qui réunit des créateurs indépendants de mode éthique, eco-responsable et interculturelle. Avec ce réseau nous nous déplaçons sur des salons. Il y a de la solidarité, des échanges de savoir-faire, des stylistes, des créateurs, des professionnels de la mode. Nous apprenons sur le tas grâce à toutes ces rencontres. J’appréhendais le business-plan et le monde de l’entrepreneuriat, car nous ne sortons pas d’École de commerce, mais finalement en travaillant ça fonctionne plutôt bien. »

« Nous nous autorisons le droit à l’erreur. On tire des leçons de tout ce qu’on fait et on passe à autre chose. C’est un avantage et un privilège que nous avons la chance d’avoir. Si ça plait, tant mieux, nous ne sommes pas des stylistes, nous sommes très lucides là-dessus, on ne cherche pas à être reconnu comme tels. »

« On fonctionne juste par opportunité en prenant ce que nous donne la vie. Nous sommes très flexibles, toute idée même « extérieure » est bonne à prendre pour nous aider à grandir. Nous n’hésitons pas à prendre des risques, à y laisser un peu de nous-mêmes au passage, car ça en vaut la peine, on se fait notre propre expérience tout en continuant d’avancer. »

« C’est aussi notre profil atypique qui fait le charme de ce projet. On a tout à gagner et très peu à perdre à part engranger de l’expérience humainement et professionnellement. On fait aussi les choses d’une manière différente, c’est ce qui donne une saveur et un positionnement unique à notre marque. On sort clairement des sentiers battus en ayant une forme d’insouciance dans notre manière d’agir.»

Lancine Koulibaly :

« Continuer ce projet dans la même direction, avec la volonté de proposer des alternatives de consommation en devenant consomm’acteurs, en respectant la planète, les animaux et l’homme. Passer du stade de projet à celui d’entreprise. Nous améliorer et garder notre état d’esprit intact.»

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TOST : Quelle sont vos sources d’inspiration ?

Lancine Koulibaly :

« Ma famille, elle a cette capacité et force à se soutenir, nous sommes éparpillés, loin des uns et des autres, mais nous sommes solidaires, nous pensons aux uns et aux autres, nous restons forts ensemble même éloignés. Pendant mes voyages j’ai rencontré aussi d’autres personnes, qui m’ont également inspirés. J’ai pris goût à partir loin et aller vers d’autres cultures, m’ouvrir aux autres.»

Dieuveil Ngoubou :

« Le cinéma m’inspire beaucoup particulièrement celui de Corée du Sud. J’aime dans le cinéma Coréen le côté existentialiste et artistique. Le voyage m’inspire aussi même si je n’ai pas encore eu la chance d’en faire énormément. De part mon parcours, j’ai constamment côtoyé le multiculturalisme du Congo à la Côte d’Ivoire en passant par la Bretagne. Je m’enrichis à travers l’autre.»

TOST : Quelle est votre devise ?

Lancine et Dieuveil :

« Des petites actions permettent de grand mouvement. Décider de changer à sa propre échelle pour peut-être créer un changement à grande échelle.»

«Changer le monde, valoriser l’art traditionnel africain, bousculer les codes de la sneaker. »

TOST : Quel est l’endroit dont vous vous sentez les plus proches (TOST) ?

Lancine Koulibaly :

« J’aime Brest et j’aime aussi Berlin, c’est une ville riche et multiculturelle, j’y ai fait aussi de belles rencontres.»

Dieuveil Ngoubou :

« Brest est une ville que j’apprécie beaucoup, c’est ici que j’ai fait mes plus belles rencontres, les plus belles fêtes, mes études, lancé le projet UMOJA Shoes. J’aime l’âme de cette ville. »

TOST : Avez-vous un lieu et une personne à nous recommander ?

Lancine et Dieuveil :

« Manolo Jacquet, un jeune globetrotter de 23 ans qui voyage à travers le monde en sac à dos et fait des photos. Il a voyagé dans plus de 60 pays et parcouru plus de 150.000 km en l’espace de 4ans. Il se déplace principalement à pied ou en bus. Il dort à la belle étoile, chez l’habitant ou sous sa tente Ce gars est assez incroyable. »

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Sur la toile

Site web – boutique : www.umoja-shoes.com
Page Facebook : UmojaShoes
Compte Instagram : umoja_shoes

#letswalktogether #umojashoes

LABEL mode éco-responsable  « Une Autre Mode Est Possible »

Manolo Jacquet, le Globetrotter

Page Facebook : ManoloLeGlobeTrotteur
Compte Instagram : manolo.daily

Interview & photos Magali Nouguier

#TostMagazine #TostHaTost

Tiffany Brélivet, « feel good manager», chargée du bonheur au travail

Tiffany Brélivet, « feel good manager», chargée du bonheur au travail

On passe un tiers de notre temps au travail alors autant s’y sentir bien…
Depuis la révolution industrielle, le Taylorisme et « les temps modernes » de Charlie Chaplin, on peut dire qu’on a fait du chemin… Les GAFAs comme Google, l’ont d’ailleurs bien compris, elle porte une attention toute particulière au moral de ses employés et tient à leur offrir un cadre agréable, créatif et dynamique. Quittons maintenant la Californie, et prenons maintenant la direction de Locronan, qui question ambiance au travail n’a rien à envier aux start-ups de la Silicon Valley.

Tiffany Brélivet, est une « belle » personne, pétillante, rayonnante et souriante, elle m’accueille avec un large sourire et sait mettre à l’aise ses invités. Elle occupe une profession atypique et pleine de sens, encore rare en France : Chief Happiness Officer.

Sa mission : fédérer et rendre heureux au travail les salariés de l’entreprise de portails et de clôtures Cadiou implantée à Locronan depuis plus de 40 ans. Cadiou emploie aujourd’hui près 400 personnes et a toujours fait du bien-être au travail sa priorité.

En échangeant avec Tiffany, nous allons essayer de découvrir ce nouveau métier et d’en savoir un peu plus sur ce qui lui donne autant le sourire !

TOST : Peux-tu te présenter aux lecteurs de TOST ?

Tiffany Brélivet :

« J’ai 27 ans, je suis originaire de Plouguerneau dans le Finistère Nord. Il y a 4 ans j’ai suivi un master Ressources Humaines en alternance comme assistante Ressources Humaines dans l’entreprise CADIOU à Locronan. Après l’obtention de mon diplôme, Emmanuelle Legault, la directrice générale de l’entreprise, et Hervé le Bot, le directeur des Ressources Humaines, m’ont donné l’occasion de développer ma fonction sur mesure en créant le poste de Chief Happiness Officer, ou manager de la qualité de vie au travail.

Emmanuelle Legault arrive à cerner vite les gens et s’intéresse à tout ce qui pourrait contribuer positivement à la bonne marche de l’entreprise et au bien être des employés. Elle s’inspire de ce qui fonctionne ailleurs, en France ou dans d’autres pays. Elle croit en l’intelligence collective, chacun peut participer dans l’entreprise et la rendre « meilleure ». Elle a vu que j’avais beaucoup d’affect et de facilité avec le côté social dans les ressources humaines. Pendant mon alternance, j’avais commencé à organiser des événements pour rapprocher les salariés dans l’entreprise, comme l’incontournable « Goûter de Noël ». Et elle a décelé en moi des capacités à devenir « manager de la qualité de vie » chez Cadiou. C’est comme ça qu’on ma proposé ce poste.»

TOST : En quoi consiste ton métier de Chief Happiness Officer ?

« Je me préoccupe du bien-être et du bonheur des employés. Je fais partie du service Ressources Humaines, et je m’occupe également de l’accueil des salariés, la santé au travail, les relations avec l’assistante sociale. En complément je suis chargée de la qualité de vie au travail.

J’ai pour principales missions de parvenir à créer une atmosphère agréable dans l’entreprise, et instaurer un univers serein pour les collaborateurs. Je valorise les relations humaines au sein de l’entreprise. Je m’occupe de l’instauration d’une bonne ambiance de travail entre les employés.

Je veille à ce que les gens prennent soin d’eux-mêmes et maintiennent un équilibre entre leur travail et leur vie privée. On cherche également à ce que chaque salarié(e) se sente bien sur son poste, dans son équipe, et dans l’entreprise en général. De l’intégration des nouveaux jusqu’à l’animation des activités communes, j’assure la pérennisation de l’esprit d’équipe au sein de l’entreprise.

Pour cela nous suivons une culture d’entreprise, incarnée par notre Directrice Emmanuelle Legault, qui a fait du bien-être au travail une de ses priorités.

Cadiou est une entreprise familiale et certains salariés ont connu notre actuelle directrice toute petite. Son mari et son beau-frère y travaillent également. Il y a une proximité et une ambiance similaire à celle que l’on peut avoir dans une famille.

Son fondateur, Ronan Cadiou a comme devise : « quand on travaille pour une entreprise il faut y être heureux. La richesse de Cadiou, c’est son personnel.» On peut dire qu’ici le bien-être au travail, se transmet de génération en génération, et fait parti de l’ADN de Cadiou. »

TOST : Concrètement, comment est-ce que tu t’y prends pour y parvenir ?

« Je veille à l’épanouissement des salariés, à soigner leur cadre de travail et rendre l’entreprise plus attractive. Faire le bien autour de soi tout en allant au travail, c’est très agréable. Je reste accessible et ouverte, ils me font confiance.

Concrètement, chaque année je prends un calendrier et choisis les dates et moments importants de chaque mois, comme la chandeleur, la journée de la femme…J’essaie de garder un effet de surprise, et de renouveler les événements, en proposant des actions différentes chaque année.

Par exemple l’année dernière nous avons fêté la galette des rois, et cette année nous avons préféré la chandeleur. De sorte à ce qu’il n’y ait pas de monotonie, pour garder l’effet de surprise. »

TOST : Quelles sont les principales actions que tu as mis en place ?

« On a mis en place une action comme le don du sang, ça a été très positif. Le discours était « on a pas le temps de le faire en dehors du travail », et on a offert aux salariés la possibilité de donner leur sang sur leur temps de travail. Cette action a été bien suivie, et les salariés ont été reconnaissants que nous leur permettions de le faire sur place et de leur offrir du temps pour donner leur sang. Lors de La semaine du développement durable nous avons proposé des fruits à tout le monde.

Nous sortons aussi de l’entreprise, comme lors des opérations de ramassage des déchets, sur les plages autour de Locronan, comme à Plonévez Porzay ou Plomodiern. Un samedi matin, les salariés viennent en famille avec leurs enfants ramasser les déchets puis nous pique-niquons tous ensemble. L’année dernière il y avait une cinquantaine d’inscrits.

Nous organisons également la « journée des enfants », ils peuvent venir visiter et découvrir l’entreprise où travaille leurs parents. On explique aux enfants comment fonctionne l’entreprise et ils peuvent voir en quoi consiste le métier qu’exerce leur mère ou père. Les enfants sont fiers de voir que leur parent joue un rôle dans l’entreprise, c’est valorisant. Cela leur permet également de découvrir le monde du travail. Puis nous terminons la visite avec un goûter convivial (et des bonbons !).

En début d’année, Cadiou a mis en place une salle de Gym et de musculation. Une coach sportive, Valérie, vient donner des cours entre midi et deux chaque lundi et jeudi. Le vendredi c’est un salarié qui a pris l’initiative de proposer des séances de yoga et relaxation. Ils vont même parfois à la plage.

Lors de la journée de la femme nous avons offert une rose à toutes les salariées, elles étaient émues et touchées par ce geste. Il y a eu un retentissement important, ce fut une journée forte en émotion.

Je sais que j’ai beaucoup de chance de faire ce métier, c’est très plaisant tout en donnant beaucoup d’investissement personnel.

Ces moments sont importants car ils permettent de créer du lien entre les salariés, ils sont ouverts à tous, il n’y a pas de différence entre les personnes, qu’elles soient en CDD, CDI, intérim, stage, un ouvrier peut partager ces moments avec un cadre ou responsable. »

TOST : Constates-tu un réel impact sur l’entreprise et sur le bien-être des salariés ?

« Souvent des clients ou partenaires qui viennent ici pour la première fois, sont surpris qu’on puisse entendre les employés qui rigolent, sourient, et sont heureux de travailler.

C’est positif. Depuis 2 ans nous observons très peu de turn over, les gens veulent rester, il y a une très forte valeur marque employeur. Beaucoup veulent rester après leur mission en intérim par exemple. On reçoit des candidatures venant de l’entourage et de connaissance des salariés, ce qui veut dire qu’ils en parlent de manière positive à l’extérieur. En effet, force est de constater qu’un salarié heureux est plus efficace et motivé. La prospérité de l’entreprise est la preuve que cela fonctionne.

Des outils collaboratifs sont proposés comme l’application google plus et klaxoon. Il y a un site web de réservation où les salariés peuvent s’inscrire aux activités proposées dans l’entreprise. Chaque salarié a aussi son adresse email personnelle pour être au courant des nouveautés de l’entreprise, voir les photos des chantiers avec les portails posés, ou encore le « bon coin » Cadiou. C’est une forme de reconnaissance.

Il y a également une plateforme « intranet » où les salariés peuvent poster leurs photos des chantiers et gardes-corps posés, cela permet aux ouvriers de voir en situation réelle les gardes-corps et portails qu’ils ont fabriqué, c’est la finalité de leur travail. Cela donne un sentiment de satisfaction aux salariés, et donne du sens à ce qu’ils font. Les salariés témoignent de la reconnaissance, ils publient des photos et me disent merci. Sur les réseaux sociaux ils leur arrivent aussi de reposter les publications de Cadiou sur leur compte personnel.

Les salariés s’impliquent et sont forces de propositions. Nous avons créé les « trophées des initiatives », cela permet aux salariés de proposer une idée, de monter le projet en équipe et de le présenter à un jury si il est sélectionné. Les inscriptions sont ouvertes à tous pendant 1 mois. Il y a des thèmes comme le développement durable, la qualité de vie au travail.

Le projet retenu est ensuite réalisé par l’entreprise. Suite à ce trophée, remporté par une équipe, une usine de thermolaquage est désormais opérationnelle, cela permettra de diminuer les déplacements, de gagner du temps et de monter en compétence. C’est une fierté pour eux de voir que leurs idées sont prises au sérieux et mises en application.

Nous éditons également le magazine « Demain » qui a pour but de mettre en lumière les initiatives prises par chacun et de donner la parole à tous les salariés (NDLR le « magazine TOST » interne !-). »

TOST : Sais-tu quel est l’origine de ce métier et quelle sera son évolution ?

« Le Chief Happiness Officer est un poste qui a vu le jour dans le monde des start-ups il y a une dizaine d’années. Plus récemment ce métier s’est fortement développé en Europe, surtout dans les pays scandinaves, ils sont souvent en avance sur nous en ce qui concerne le bien-être au travail. On laisse aussi là-bas plus de place à la créativité. Depuis, les entreprises et grands groupes ont saisi l’enjeu du bonheur en entreprise et ont commencé à recruter des CHO. Inculquer plus de bienveillance au sein des entreprises en France est assez nouveau comme forme de management.

Nous cherchons à ce que les salariés soient de plus en plus investis dans la vie de l’entreprise. Ils y passent beaucoup de temps, c’est important qu’ils s’y sentent le mieux possible. Certainement, d’autres entreprises et organisations vont aussi créer des postes de responsable qualité de vie ou chief happiness officer, car les résultats sont positifs à tout point de vue, d’abord pour le salarié lui-même, puis ses collègues et collaborateurs, mais aussi auprès des partenaires et l’image de marque que renvoie l’entreprise auprès de ses clients et partenaires.

Quand je me déplace, j’explique en quoi consiste mon métier aux autres personnes que je rencontre, ça leur permet de comprendre mon rôle, cela devient plus concret à leurs yeux et leur donne également des idées. C’est un métier en plein essor, qui va évoluer, et prendre de plus en plus de place dans les entreprises. »

TOST : As-tu une devise ?

« Faites-le bien par petit bout là où vous êtes ; car ce sont tous
ces petits bouts de bien, une fois assemblés, qui transforment le monde. »
Desmond Tutu

« C’est plus facile de faire le mal que le bien autour de soi. Ça demande de l’énergie d’être positive, on a tous nos problèmes, mais on mérite le respect, je trouve ça important. »

TOST : Quel est l’endroit dont tu te sens la plus proche, de quoi te sens-tu « TOST » ?

« Je vais facilement à la plage de Kervel, à 5 minutes de Cadiou. Souvent à midi, nous allons y pique-niquer. C’est très agréable de pouvoir faire cette coupure au bord de la mer les pieds dans le sable et de s’accorder une parenthèse où l’on peut se « reconnecter » à la nature. C’est ressourçant.

J’ai grandi au bord de la mer (NDLR à Plouguerneau), j’aime être assise sur le sable et la regarder. C’est aussi ma source de motivation.

J’habite sur Quimper, et j’aime aller « prendre l’air » à Bénodet, Sainte Marine, l’île Tudy. J’adore le « Sans-Souci » à Bénodet sur le front de mer, ou bien encore le « Café de la Cale » à Sainte Marine. J’y vais avec mes amis, quand on est assis en terrasse devant l’océan, on se pose et on oublie tout. Ça m’arrive aussi faire de la randonnée en bord de mer. »

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Site web : www.cadiou.bzh

Page Facebook :  GroupeCadiou

Interview & photos Magali Nouguier

#TostMagazine #TostHaTost

Léon Denis, Corps aérien et mental d’acier

TOST-magazine-Léon-DENIS-juin-2018-credit-Guillaume-Prie-12Léon Denis, Corps aérien et mental d’acier

Quand on rencontre Léon la première fois, on a devant nous un jeune homme au visage qui rappelle les personnages littéraires du 19e siècle, l’œil sensible, humble, le physique solide et à l’écoute de son environnement à chaque instant.
Sa pratique sportive est liée au mouvement, plus particulièrement aux formes connues sous les noms de parkour, de freerun et tricking, celles-ci allant des déplacements les plus fonctionnels aux plus artistiques.

C’est en se tenant au bord d’un toit que Léon et son frère découvrent sans le savoir les premiers gestes qui détermineront la suite. Un regard en bas, l’appréhension de la hauteur et, rapidement, en voyant son frère dépasser sa peur, Léon lui emboîte le pas.

De leur complicité naît une grande émulation et les deux frères inventent des jeux et défis, des objectifs de points, qui vont permettre à Léon de progresser à un rythme soutenu. Avec bienveillance, celui qui franchit la difficulté en premier aide le second. Sans le savoir, le duo embrasse dès lors la culture d’entraide propre au parkour. On ne laisse personne derrière.

Le vieux téléphone portable que leur père leur offre permet de réaliser les premières vidéos et les installations de cordes et autres obstacles dans le jardin se multiplient, mais Léon voit plus grand. Il commence alors à « déverrouiller » ses premières figures aériennes telles que les vrilles, corks et saltos.

Il découvre ensuite les possibilités de la salle de gymnastique. La peur étant contenue dans cet environnement sécurisé, Léon peut désormais laisser place à des essais acrobatiques de plus grande ampleur. Il n’entend le terme « parkour » que tardivement, comprenant que sa pratique du déplacement s’inscrivait dans cette discipline depuis le début et se dirige déjà vers sa variante qu’est le « free run ».

Cette dernière, conçoit le déplacement de manière plus créative et ludique, quand le parkour a pour première vocation de franchir les obstacles à tout prix.

Les questions concernant son avenir professionnel se font plus pressantes et Léon choisit la voie STAPS afin d’acquérir un diplôme. Les rencontres avec d’autres sportifs lui permettront par la suite de parfaire sa technique et d’apprendre toujours plus. Parmi eux, Il pense tout particulièrement à Charles et Victor, pratiquant respectivement le parkour et le tricking.

Aujourd’hui Léon partage son temps entre son travail dans une salle d’activités ludiques et acrobatiques à Quimper, des spectacles lors d’événements sportifs et plusieurs participations à des émissions télévisées en production ou sur le point d’être diffusées. Nous ne pouvons vendre la mèche, mais si vous avez l’œil, vous devriez apercevoir ses acrobaties sous peu…

En parallèle, il anime une chaîne YouTube où il donne des conseils techniques et tutos. On retrouve dans cette démarche ce qui marque le plus chez Léon : une grande volonté de partage. Comprenant tout à fait qu’il s’est construit en tant qu’athlète professionnel dans son rapport à l’autre, sa complicité avec son frère, les rencontres dans le monde du mouvement, il transmet naturellement ce qu’il a reçu en amont.

Cependant, son enseignement est plus large encore qu’un ensemble de techniques, et notre acrobate promeut la persévérance et la ténacité dans chacune de ses interventions. Loin des clichés d’une génération sur les suivantes, il connaît l’humilité, sait que les résultats suivent le travail et encourage tout un chacun à croire en ses projets.

A l’image de sa capacité à passer d’un univers à l’autre, de la cime d’un arbre à un banc de béton, Léon Denis vit dans son époque, dans sa génération, tout en véhiculant quotidiennement des valeurs intemporelles.

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Interview & photos Guillaume Prié 

#TostMagazine #TostHaTost

Avel Corre, le conteur d’images ≈ ar skeudenn lavarer

 

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Article en Français

Avel Corre, le conteur d’images

Avel Corre parle la langue des images. Il travaille derrière une caméra depuis de nombreuses années et c’est naturellement qu’il est devenu réalisateur, afin de raconter les histoires qui peuplent son imaginaire. En 2015, il a reçu un prix* pour son premier court-métrage, tourné en breton, « An dianav a rog ac’hanon – L’inconnu me dévore », une histoire d’amour entre une femme à la recherche d’elle-même et un homme libre et sans attaches. Aujourd’hui, il prépare un second film. Tost magazine a eu envie de rencontrer Avel et de visiter avec lui son univers poétique.

 

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Article en Breton – Brezhoneg

Avel Corre, ar skeudenn lavarer

Yezh Avel Corre eo yezh ar skeudennoù. Labourat a ra a-dreñv ur c’hamera abaoe meur a vloaz hag anat deoc’h eo deuet da vezañ sevener a-benn kontañ an istorioù a zeue dezhañ. E 2015 en doa bet ur priz* evit e film berr kentañ,  troet e brezhoneg, « An dianav a rog ac’hanon », un istor karantez etre ur vaouez a zo o klask en em gavout hag ur gwaz frank hag hep stag. Hiziv emañ o prientiñ un eil film. Ar gelaouenn Tost he deus bet c’hoant da veajiñ un tamm gant Avel a-benn gweladenniñ e ved barzhel.

 

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TOST – Comment es-tu devenu réalisateur ?

Avel Corre :

« Mon premier métier, c’est le travail sur l’image pour le cinéma ou la télé. Il y a de nombreux métiers dans ce domaine. Je suis d’abord passé par le travail sur la lumière, en étant ce qu’on appelle « électro », puis derrière la caméra comme troisième assistant caméra, second puis premier. L’assistant caméra travaille surtout sur la netteté de l’image. Si une image est floue, c’est souvent parce que l’assistant caméra s’est planté. Et après, j’ai commencé à travailler comme chef opérateur. Je suis resté dix ans à Paris pour apprendre mon métier.

Je suis revenu en Bretagne et j’ai fait une pause de deux ans dans mon activité pour m’occuper de ma fille et retaper ma maison. C’est à ce moment-là qu’est née l’envie de réaliser. Des histoires me sont venues et j’ai eu envie de les raconter de cette manière.

J’ai commencé la réalisation avec Lionel Buannic pour Brezhoweb (chaîne tv en langue bretonne sur le web). Je ne venais pas du monde de la télé mais plutôt de celui du cinéma. Je suis allé travailler avec lui parce qu’il cherchait des gens avec un peu d’expérience dans le métier et qui parlaient breton. J’ai commencé comme technicien et puis, il m’a demandé d’être réalisateur pour l’émission « Bec’h de’i! ». Il m’a donné ma chance pour une émission et c’est comme ça que j’ai commencé à réaliser.»

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TOST – Penaos out deuet da vezañ sevener filmoù ?

Avel Corre :

« Va micher gentañ eo labourat war ar skeudenn evit ar sinema pe ar skinwel. Bez ‘z eus meur a vicher er bed-mañ. Tremenet on dre al labour war ar gouloù da gentañ, ar pezh a vez lavaret « elektro », goude war ar c’hamera ivez evel trede skoazeller kamera, eil ha goude kentañ. Ar skoazeller kamera a labour dreist-holl war spisted ar skeudenn. Pa vez ur skeudenn dispis eo ar skoazeller en deus c’hwitet alies. Ha goude on kroget da labourat e-giz paotr ar skeudenn. Chomet on e Paris e-pad dek vloaz hag aze em eus desket va micher.

Distroet on e Breizh, graet ‘m eus un ehan war va vicher e-pad daou vloaz evit ober war-dro va merc’h hag evit adober va ti ivez. Hag aze eo ganet ar c’hoant da seveniñ. Bez’ ez eus istorioù a zo deuet em empenn ha c’hoant em eus bet kontañ anezho e-giz-se.

Kroget on da seveniñ gant Lionel Buannic war Brezhoweb. Ne zeuen ket eus bed ar skinwel met kentoc’h eus bed ar sinema. Aet on da labourat gantañ peogwir e klaske tud gant un tamm skiantprenet war ar vicher hag a gomze brezhoneg. Kroget on evel teknisian hag ur wech en doa goulennet ganin bezañ sevener an abadenn « Bec’h de’i ! ». Roet en deus va chañs din evit un abadenn. E-giz-se on kroget da seveniñ.»

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« Plus tard, en 2013 je crois, j’ai écrit une histoire pour un court-métrage. J’avais travaillé comme technicien sur des films avec Tita Productions, une maison de production de Douarnenez. Et j’ai dit à Fred Premel, le producteur de fiction, que j’avais un projet de film court et que je n’arrivais pas à écrire le scénario. J’avais l’histoire en tête et deux pages pour expliquer ce que je voulais faire. Il m’a proposé de chercher un scénariste pour écrire avec moi. Nous avons trouvé quelqu’un, nous avons écrit l’histoire et un an plus tard, nous filmions.

Voilà comment je suis devenu réalisateur, petit à petit. Mais, je travaille toujours dans le monde de l’image sur des longs métrages en Bretagne. Quand il y a besoin de caméras supplémentaires, o, m’appelle en tant qu’assistant caméra. J’ai travaillé avec Emmanuelle Bercot sur « La fille de Brest » par exemple, parce que sur certaines scènes, il faut plus de caméras et dans ces cas-lą, les gens sont embauchés sur le lieu du tournage.»

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« Ha diwezhatoc’h, e 2013 e oa d’am soñj, em boa skrivet un istor evit ober un film berr faltazi. Labouret ‘m boa evel teknisian war filmoù gant Tita Productions, un ti-produiñ eus Douarnenez. Ha lavaret ‘m boa da Fred Premel, ar produer filmoù faltazi e Tita Productions, em boa ur raktres film berr ha ne zeuen ket a-benn da skrivañ ar senario. An istor a oa em fenn ha div bajenn am boa evit displegañ ar pezh am boa c’hoant ober. Kinniget en deus din klask ur senarier evit skrivañ ganin. Kavet hon eus un den, skrivet hon eus an istor hag ur bloaz goude e oamp o filmañ.

Setu penaos on deuet da vezañ sevener, tamm-ha-tamm. Met labourat a ran atav war bed ar skeudenn, war filmoù bras e Breizh pa vez ezhomm kameraioù ouzhpenn e vez galvet ac’hanon evit labourat evel skoazeller. Labouret ‘m eus gant Emmanuelle Bercot war « La fille de Brest », seurt traoù, peogwir war senennoù e vez ezhomm muioc’h a gameraioù evit filmañ ha kemeret e vez tud war al lec’h.»

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TOST – Ton premier court-métrage, « An dianav a rog ac’hanon » (« L’inconnu me dévore ») a d’abord été écrit en français puis en breton, pourquoi avoir fait ce choix du breton ?

Avel Corre :

« J’imagine les histoires en breton d’abord, surtout les dialogues parce que c’est ce qui reste dans le film. A la fin, il n’y a plus que les dialogues. Mais je n’arrive pas à mettre mes idées sur le papier, j’ai essayé mais rien à faire, je suis obligé d’écrire avec quelqu’un pour que mes idées soit retranscrites de manière claire. D’abord, on écrit l’histoire et les dialogues pour expliquer ce que je veux raconter. Je fais cette étape en français pour présenter mon film et trouver un financement, entre autres, mais ce dossier pourrait être écrit en français, en anglais ou en maori, ce serait la même chose. Finalement, la langue n’est qu’un outil. En France, nous ne sommes pas habitués à parler plusieurs langues mais dans d’autres pays, c’est comme ça. Peu importe la langue que tu parles, ce qui est important, c’est d’être compris par la personne qui est en face de toi.

Donc, l’histoire est écrite en français et ce n’est pas un échange très facile au moment de l’écriture parce que, parfois, je vois les dialogues en français et ce n’est pas tout à fait ce que je veux dire, mais ce n’est pas grave parce que ce sera traduit en breton, plus tard. Ce qui me plaît dans le breton, un peu comme dans les langues asiatiques, ce sont les images qui sont présentes dans tous les mots. C’est surtout là-dessus que j’ai envie de jouer.»[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/2″][vc_column_text]

TOST – « An dianav a rog ac’hanon », da film berr kentañ, zo bet skrivet e galleg da gentañ hag a-benn ar fin e brezhoneg ? Perak ‘z peus dibabet skrivañ e brezhoneg ?

Avel Corre :

« Ijinañ a ran an istorioù e brezhoneg a-raok, dreist-holl an divizoù peogwir eo ar pezh a chom war ar film. Er fin n’eus nemet an divizoù. Met ne zeuan ket a-benn da lakaat va mennozhioù war ar paper, klasket ’m eus met n’eus netra d’ober, ret eo din bezañ gant un den dre forzh evit skrivañ va mennozhioù en un doare sklaer. Da gentañ e vez skrivet an istor hag an divizoù e galleg evit displegañ ar pezh ‘m eus c’hoant kontañ. Ober a ran an dra-se e galleg evit kinnig va film ha mont e darempred gant an dud a roio arc’hant din hag all met an doser-mañ a c’hellfe bezañ graet e galleg, e saozneg pe e maori e vefe ar memes tra. A-benn ar fin ar yezh n’ eo nemet ur benveg. E bro-C’hall n’emaomp ket kustum da gomz meur a yezh met e vroioù all e vez e-giz-se. N’eus forzh pe yezh emaout o komz, ar pezh a zo a-bouez eo bezañ komprenet gant an den a zo dirazout.

Neuze an istor zo skrivet e galleg ha n’eo ket un eskemm aes-kenañ pa vez skrivet an traoù peogwir a-wechoù e welan an divizoù e galleg ha n’eo ket tre ar pezh ‘m eus c’hoant lavar met n’eo ket grevus peogwir e vo lakaet e brezhoneg goude. Ar pezh a blij din er brezhoneg, un tammig evel er yezhoù bro Asia, eo ar skeudennoù hag a zo abouez- kenañ e-barzh an holl gerioù. Dreist-holl eo war an dra-se ‘m eus c’hoant c’hoari. »

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« J’ai travaillé avec Corinne Ar Mero sur le premier film. Elle est excellente pour la traduction en breton. Elle joue beaucoup avec les mots et sur la sonorité des mots et c’est ça que je recherche. Je cherche un son particulier : la langue dans un film, c’est comme la musique. Elle apporte une ambiance. J’aime beaucoup les films de Wong Kar Wai, par exemple. Il a tourné en anglais, en espagnol, mais aussi en cantonais. Ces films-là, je ne les regarde pas en français parce que la sonorité des mots et de la langue font partie de l’atmosphère du film. Il manquerait quelque chose, il manquerait une musique qui est essentielle pour moi.

Pour la traduction aussi, les images portées par les mots sont importantes. J’aime bien raconter cette histoire, par exemple : dans mon premier film, il y avait une phrase dite par une voix off à la fin que je n’ ai pas traduite dans les sous-titres. En français, j’avais écrit : « Un ange est passé, il m’ arrive d’y penser. » Pendant le travail de traduction, on l’a traduit mot à mot en breton et j’ai demandé à Corinne de trouver quelque chose de plus poétique. Elle a écrit : « Aet eo un ael diwar-wel, war va soñj chom a ra e askell ». Si j’avais sous-titré cette phrase, ça aurait donné quelque chose comme : « Un ange est passé au-delà de l’horizon, dans mon souvenir, il me reste une aile. » Mais ce n’est pas la même chose, on ne raconte pas les choses de la même manière quand on dit : « Un ange est passé, il m’arrive d’y penser. »… là, on comprend comment on peut utiliser les images en breton.»

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/2″][vc_column_text]

« Labouret ‘m boa gant Corinne Ar Mero war ar film kentañ. Dreist-kenañ eo-hi war an treiñ e brezhoneg. C’hoari a ra kalz gant ar gerioù ha war son ar gerioù, an dra-se eo ar pezh a glaskan. Klask a ran ur son ispisial : ar yezh e-barzh ur film a zo evel ar sonerezh. Degas a ra un aergelc’h. Plijout a ra din kalz filmoù Wong Kar Wai da skouer. Graet en deus traoù e saozneg, e spagnoleg hag ivez e kantoneg. Ar filmoù-mañ, ne sellan ket outo e galleg peogwir son ar gerioù hag ar yezh a gemer perzh en aergelc’h ar film. Mankout a rafe un dra bennak, mankout a rafe ur sonerezh hag a zo a-bouez din.

War an treiñ eo a-bouez ivez istor ar skeudennoù er gerioù. Da skouer e oa ur frazenn e-barzh va film kentañ, plijout a ra din displegañ an dra-se, ur frazenn evit ur vouezh « off » e fin ar film. N’em eus ket troet anezhi, en istitloù n’em eus lakaet netra. Skrivet ‘m boa e galleg : « Un ange est passé, il m’ arrive d’y penser. » E-pad al labour treiñ e oa bet lakaet e brezhoneg ger-ouzh-ger hag em boa goulennet gant Corinne un dra varzheloc’h. Ha skrivet he doa : « Aet eo un ael diwar-wel, war va soñj chom a ra e askell ». Ma’m bije istitlet ar frazenn-se e vije bet un dra bennak e-giz-se : « Un ange est passé audelà de l’horizon, dans mon souvenir, il me reste une aile. » Met n’eo ket ar memes tra, ne vez ket kontet an traoù er memes doare pa vez lavaret : « Un ange est passé, il m’ arrive d’y penser. ».… ase e vez komprenet penaos e vez implijet ar skeudennoù e brezhoneg.»

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TOST – Tu as fait ce film en breton d’une manière naturelle finalement. Ce n’était pas un acte militant ?

Avel Corre :

« Ce que je savais depuis le début, c’est que je n’avais pas envie de faire ce film pour faire un film en breton. C’est souvent le cas dans le monde bretonnant et c’est une bonne chose. La langue a besoin de gens qui la défendent mais, en ce qui me concerne, ce n’est pas la relation que j’ai envie d’avoir avec le breton. Le breton est en lien avec l’histoire de mon père. Donc, c’est plutôt une histoire de coeur et j’ai envie d’en faire autre chose, de l’utiliser d’une manière artistique. Si on me dit qu’on ne peut pas employer tel mot de telle manière, je m’en fous. Ce qui m’importe, c’est que la langue soit utilisée et travaillée comme on travaille la terre, par exemple.

Pour être honnête, elle n’est pas souvent utilisée de cette manière. Je pense que je l’ai utilisée plutôt à la manière d’un conte ou dans cette idée, d’une manière universelle. Ce film, j’aurais pu le faire en cantonais ou en maori, ça aurait été le même film. C’est une histoire d’amour, dans un port qui pourrait être n’importe où dans le monde ; la langue, c’était pour égarer les gens un petit peu, pour qu’ils ne sachent pas trop où ils étaient. J’ai fait écouter la bande-son du film à des gens qui ne parlaient pas breton et ils ne savaient pas d’où venait cette langue, on m’a dit que c’était du flamand, de l’hébreu… C’est sur ce genre de choses que j’ai envie de jouer et c’est comme ça que je veux travailler avec le breton.»

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TOST – Graet’z peus ar film e brezhoneg en un doare naturel a-benn ar fin. Ne oa ket ur stourm evit ar yezh ?

Avel Corre :

« Ar pezh a ouien abaoe ar penn kentañ eo n’am boa ket c’hoant ober ar film-mañ evit ober ur film e brezhoneg. E-barzh bed ar brezhoneg e vez alies e-giz-se, ar pezh a zo mat ivez. Ezhomm e vez tud o stourmañ evit ar yezh met n’eo ket an eskemm-se ‘m eus c’hoant-me kaout gant ar brezhoneg. Liammet eo ar brezhoneg gant istor va zad. Neuze eo kentoc’h un istor kalon, un dra bennak all em eus c’hoant ober gant ar yezh, implijout anezhi en un doare arzel. Ma vez lavaret din ne vez ket lavaret ar ger-se en doare-se ne’m eus ket foutre-kaer. Ar pezh a zo a-bouez din eo e vefe impljet ha labouret ar yezh evel ma vez labouret douar pe seurt traoù.

Evit gwir, ne vez ket implijet alies e-giz-se. D’am soñj em eus implijet anezhi e doare ur gontadenn kentoc’h, war an hent-se, en un doare hollvroadel. Ar film-se am bije gallet ober anezhañ e kantoneg pe e maori e vije bet ar memes film. Un istor karantez eo, war ur porzh a c’hellfe bezañ n’eus forzh pelec’h er bed, ar yezh a oa evit lakaat an dud da vezañ kollet un tammig, da chom hep gouzout re e pelec’h e oa. Lakaet ‘m eus tud ne ouient ket brezhoneg da selaou ar son nemetken ha ne ouient ket eus pelec’h e teue ar yezh, lâret eo bet din flamanteg, hebraeg… War an dra-se em eus c’hoant c’hoari ha setu penaos em eus c’hoant labourat gant ar brezhoneg.»

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TOST – C’est vrai que le breton crée une ambiance mais tu as également choisi un lieu surprenant, un peu hors du monde : le port de Brest, à côté de l’usine de soja. Pourquoi as-tu eu envie de filmer à cet endroit ?

Avel Corre :

« Ce lieu est, lui aussi, lié à l’histoire de mon père, il travaillait à côté, dans une entreprise et du coup, c’était un lieu qui me parlait et qui pouvait quand même être universel. Il y a des ports partout dans le monde et ce port pourrait être n’importe où. Après, il y a un côté esthétique qui me plaît beaucoup, avec la fumée, les bateaux, ce genre de choses. Il y a une atmosphère, intéressante ou pas, je ne sais pas, mais il y a une atmosphère particulière. J’avais écrit plus de choses en lien avec la pluie, l’humidité mais quand nous avons filmé, malheureusement, il n’a pas plu ! Mon prochain film se passera dans les Monts d’Arrée. J’ai imaginé une frontière dans les Monts d’Arrée, je pense que je cherche ce genre de lieux qui pourraient être n’importe où, c’est comme ça que naissent mes envies d’histoires

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/2″][vc_column_text]

TOST – Gwir eo ez eus un aergelc’h e-barzh da film a-drugarez d’ar brezhoneg met dibabet ‘z peus ul lec’h a oa souezhus ivez,un tamm er maez eus ar bed : porzh Brest e-kichen an uzin soja. Perak ‘z poa c’hoant filmañ aze ?

Avel Corre :

« Al lec’h-mañ a zo liammet ivez gant istor va zad peogwir e oa o labourat en un embregerezh ekichen ha setu e oa ul lec’h a gomze din hag ul lec’h a c’helle memestra bezañ hollvroadel. Porzhioù a zo er bed e pep lec’h hag ar porzh-mañ a c’hellfe bezañ n’eus forzh pelec’h. Goude ez eus un tu kenedus a blije kalz din, gant ar moged, ar bigi, seurt traoù. Un aergelc’h a zo, dedennus pe get n’ouzon ket, met un aergelc’h ispisial a zo. Skrivet ‘m boa muioc’h a draoù gant glav ha glebter met p’hon eus filmet, n’eus ket bet glav siwazh ! Ar film a zeu a vo er Menezioù Are. Ijinet ‘me eus un harz e-barzh ar Menezioù Are, un tammig seurt lec’hioù a c’hell bezañ n’eus forzh pelec’h a glaskan d’am soñj, e-giz-se e krog ar c’hoantoù istor.»

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[vc_column width= »1/2″][vc_column_text]

TOST – Tu recherches des lieux dépaysants mais tu restes tout de même en Bretagne.

Avel Corre :

« Oui, parce que je connais ces lieux. Tu commences à imaginer des histoires en piochant dans ce que tu connais, tu fais un mélange entre ce qui est proche de toi et ce que tu imagines. Au début, tu commences avec ce que tu aimes et tu ajoutes de plus en plus de détails inventés. A la fin, il reste des petits bouts de ta vie. Ce n’est pas ton histoire de bout en bout mais tu commences de cette manière, avec ce dont tu te sens proche pour démarrer l’histoire.

Le prochain film n’est pas situé en Bretagne. C’est aussi une histoire d’amour, sur une frontière mais on ne précise pas de quelle frontière il s’agit, une frontière entre deux pays. Ce qui est intéressant, ce sont les problèmes créés par cette frontière. Le fait que ce soit en breton, c’est pareil : ce serait la même histoire dans n’importe quelle langue.»

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/2″][vc_column_text]

TOST – Klask a rez lec’hioù divroadus met chom a rez e Breizh memestra.

Avel Corre :

« Ya, peogwir e anavezan al lec’hioù-se. Kregiñ a rez da ijinañ istorioù o kemer traoù a anavezez, ober a rez un mesk etre ar pezh a zo tost dit-te hag ar pezh a ijinez. E penn-kentañ e krogez gant ar pezh a blij dit ha muioc’h-mui e lakaez traoù a zo ijinet e-barzh hag a-benn ar fin e chom tammoùigoù eus da vuhez. N’eo ket da istor penn-da-benn ar pezh a zo er fin met kregiñ a rez gant traoù e-giz-se a zo tost ouzhit evit kregiñ an istor.

Ar film a zeu n’eo ket lec’hiet e Breizh. Un istor karantez eo ivez, war un harz met ne vez ket lavaret pe harz eo, un harz etre div vro. Ar pezh a zo dedennus eo ar c’hudennoù degaset gant un harz. Ar fed e vefe e brezhoneg eo ar memes tra, ar film a c’hellfe bezañ e n’eus forzh pe yezh e vefe ar memes istor.»

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TOST – Et par rapport à l’image, il y a peut-être quelque chose d’intéressant dans ces lieux en Bretagne  ?

Avel Corre :

« Oui, bien sûr, par exemple, on dit que Brest n’est pas une belle ville mais c’est un lieu cinématographique. Et je trouve que les Monts d’Arrée le sont aussi. Ça n’est pas très vaste et c’est tout de même un problème. Peut-être qu’il y a, en France, des lieux isolés plus étendus, où on ne trouve aucune habitation mais il n’y a pas la même lumière. Il n’y aura pas les mêmes nuages. Il y a quelque chose de lourd dans les Monts d’Arrée avec les nuages noirs et c’est ce que je recherche. Bien sûr, en Irlande ou en Écosse, il y a des lieux avec une atmosphère plus lourde encore mais je ne les connais pas, alors je travaille avec ce que je connais.

En plus, par rapport à la réalisation, quand tu sais comme c’est long de faire un film, même un court-métrage, il faut déjà être convaincu par ce que tu écris, il faut porter le projet et ça, pour moi, c’est beaucoup plus facile à faire si je suis déjà porté par le lieu. Les monts d’Arrée, c’est un lieu important pour moi. Quand j’étais enfant, avec mes parents, j’allais m’y promener presque tous les week-ends, c’est un lieu que je porte en moi depuis longtemps, c’est pour ça que j’ai eu envie de filmer à cet endroit. »

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TOST – Hag e-keñver ar skeudenn, marteze ez eus un dra bennak e Breizh a zo dedennus gant al lec’hioù-se ?

Avel Corre :

« Ya, evel-just, da skouer e vez lavaret n’eo ket Brest ur gêr vrav met ul lec’h sinematografik eo. Hag evit ar Menezioù Are e kavan eo memes tra. N’eo ket bras-tre ar Menezioù Are, an dra-se a zo ur gudenn memestra. Marteze ez eus lec’hioù distro brasoc’h e bro C’hall, e-lec’h n’eus ti ebet met n’eus ket ar memes gouloù. Ne vo ket ar memes koumoul. E-barzh ar Menezhioù Are ez eus ur seurt tra a zo pounner memestra gant ar c’houmoul du ha se eo ar pezh a glaskan. Evel-just e bro Iwerzhon hag e bro Skos ez eus lec’hioù d’am soñj pounneroc’h c’hoazh met n’ anavezan ket anezho, setu labourat a ran gant ar pezh a anavezan.

Ouzhpenn, e-keñver ar seveniñ, pa ouiez pegen hir eo da vont betek penn evit ober ur film, memes ur film berr, ret eo bezañ kendrec’het dija gant ar pezh a skrivez, ret eo dougen an traoù hag an dra-se, evidon, zo kalz aesoc’h ma ‘z on dougenet gant al lec’h dija. Ar Menezioù Are a zo ul lec’h a-bouez din. Pa oan bugel, gant ma zud, ez aen tost bep dibenn-sizhun da bourmen eno, ul lec’h ‘m eus ennon abaoe pell eo, setu perak ‘m eus bet c’hoant filmañ aze ? »[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_gallery img_size= »full » slides_per_view= »1″ onclick= »none » images= »1792″][/vc_column][/vc_row][vc_row]

[vc_column width= »1/2″][vc_column_text]

TOST – Quand on fait un film, il faut exercer plusieurs métiers. Lequel te plaît le plus ?

Avel Corre :

« Je commence par ce qui est le plus difficile pour moi et que je ne sais pas faire : écrire le scénario. J’ai essayé mais mon cerveau n’est pas fait pour ça. C’est pour ça que je travaille avec des scénaristes, parce que je vois qu’écrire, c’est un plaisir pour eux alors que pour moi, c’est un vrai calvaire. Quand je réussis à écrire une page, déjà je trouve ça mauvais mais en plus c’est exceptionnel. Et il faut retravailler dix fois… bref, ce n’est pas fait pour moi.

Il faut forcément passer par le papier pour raconter une histoire mais également pour aller chercher des financements. Le cinéma est un art assez coûteux parce qu’on a besoin de grandes équipes, donc il faut trouver des fonds et ça, ce n’est pas mon métier non plus. C’est le travail du producteur.Ensuite, mon monde à moi, c’est le tournage. A partir du moment où on a trouvé l’argent, il est temps de préparer et de filmer et ça, c’est ce qui me plaît le plus, c’est là où je me sens le mieux. Je sais qu’il y a des gens que ça effraie parce que c’est une grosse mécanique. Quand on gère ce genre de projet, on travaille avec vingt, trente personnes. Il y a dix personnes qui viennent me demander «  Comment tu as imaginé ça ? » à propos des décors… de l’image… du son… de chaque chose. Je suis un chef de chantier en quelque sorte et j’adore ça !
Il faut travailler avec différents métiers qui sont très importants, les accessoires, les costumes, le maquillage et ça me plaît énormément. Je me sens dans mon élément, c’est comme mettre des touches de peinture sur un tableau et petit à petit, ça prend forme.
»[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/2″][vc_column_text]

TOST – Pa vez graet ur film e vez graet micherioù a-bep seurt. Pe hini a blij dit ar muiañ ?

Avel Corre :

« Kregiñ a ran gant ar pezh a zo an diaesañ din ha n’ouzon ket ober : skrivañ ar senario. Klasket ‘m eus ober met va empenn n’eo ket graet evit se. Setu perak e labouran gant senarierien peogwir e welan eo ur blijadur dezho skrivañ ha din-me eo ur gwir boan. Pa zeuan a-benn da skrivañ ur bajenn dija e kavan an dra-se fall met un dra bennak souezhus eo evidon. Ha ret eo adober dek gwech hag. an dra-se n’eo ket graet evidon.

Ret eo tremen dre ar paper dre forzh evit kontañ an istor met ivez evit mont da glask arc’hant. Ar sinema a zo un arz ker a-walc’h peogwir ez eus ezhomm skipailhoù bras, neuze ret eo kavout arc’hant hag an dra-se n’eo ket va micher kennebeut. Labour ar produer ‘ni eo.

Goude, va bed din-me eo ar filmañ. Adalek ar mare eo bet kavet an arc’hant eo poent prientiñ ha filmañ, an dra-se eo ar pezh a blij din ar muiañ hag al lec’h en em santan ar gwellañ ennañ. Gouzout a ran ez eus tud o deus aon peogwir eo ur mekanik bras. Pa vez kaset ur raktres e-mod-se ez eus ugent, tregont den o labourat. Bez ‘z eus dek den a erru o c’houlenn ganin « Penaos ‘z peus gwelet an dra-se ? » war ar c’hinklañ… war ar skeudenn… war ar son… war pep tra. Ur seurt penn chanter on ha plijout a ra din kalz !

Ret eo labourat gant micherioù disheñvel hag a zo a-bouez-kenañ, ar prestoù, an dilhad, al livaj, an dra-se a blij din forzh pegement. Aze en em santan em aes, se zo evel lakaat tammoù livaj war un daolenn ha tamm-ha-tamm e kemer an dra ur c’horf. »

[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column][vc_gallery img_size= »full » slides_per_view= »1″ onclick= »none » images= »1805″][/vc_column][/vc_row][vc_row][vc_column width= »1/2″][vc_column_text]

Avel Corre :

« Et après, il y a la post-production, le montage et le travail sur le son. Ça a été une découverte car je n’avais jamais fait de post-production avant. J’ai découvert le montage et j’ai vu qu’on pouvait réécrire son histoire à ce moment-là. Le montage, ça n’est pas seulement mettre bout-à-bout des morceaux d’images. Ce qui est important et plaisant, c’est de chercher à réécrire l’histoire avec les scènes captées pendant le tournage. C’est une seconde écriture, tu peux faire ce que tu veux et je trouve que je n’ai pas assez exploré cette partie-là pour mon premier film. J’espère que je pourrais aller plus loin dans ce domaine pour le deuxième et expérimenter un peu plus mais ça demande du temps.

Ensuite, j’ai découvert le travail sur le son, ça n’était pas mon univers, c’est très technique mais l’aspect montage du son m’a bien plu. Et pour finir l’étalonnage ; ça, je connais bien. Tu vois, quand tu fais des photos et que tu utilises Photoshop pour retravailler tes images… l’étalonnage, c’est la même chose pour la vidéo, tu ajoutes un ton aux images.»

[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/2″][vc_column_text]

Avel Corre :

« Ha goude e vez ar post-produiñ, ar frammañ hag al labour war ar son ivez. Dizoloet ‘m eus an dra-se peogwir ne’m boa morse graet ar post-produiñ a-raok. Dizoloet ‘m eus ar frammañ ha gwelet ‘m eus e oa posubl adskrivañ e istor d’ar mare-se. Frammañ n’eo ket lakaat tammoù skeudenn asambles nemetken. Ar pezh a zo a-bouez ha plijus eo klask adskrivañ an istor gant an tammoù am eus paket war ar filmañ.Un eil skrivadur eo, gallout a rez ober ar pezh ‘z peus c’hoant ha war an dra-se ne’ me eus ket klasket a-walc’h war ar film kentañ d’am sonj. Spi ‘m eus war an eil e c’hellin mont muioc’h e-barzh ar bed-se hag adklask muioc’h a draoù met goulenn a ra amzer.

Goude ‘m eus dizoloet al labour war ar son, ne oa ket va bed penn-da-benn, teknik-kenañ e oa met ase on bet plijet gant frammañ ar son. Ha evit echuiñ e oa ar c’heitañ hag an dra-se a anavezan mat. Gwelout a rez pa rez fotoioù, pa implijez Photoshop evit adlabourat da skeudennoù, ar c’heitañ eo ar memes tra evit ar video, e lakaez ul liv d’az skeudennoù. »

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TOST – Tu aimerais faire un long métrage un jour ?

Avel Corre :

« Oui, j’ai déjà une histoire. En français cette fois-ci. Quand tu es bilingue, c’est comme ça, je crois. Quand tu as deux langues maternelles, il y a des choses que tu imagines dans une langue et d’autres choses dans une autre langue.

Il y a deux ans, je suis allé tester mon histoire au Groupe Ouest **. Je crois que c’était au cours d’une semaine « De l’idée au scénario » ou quelque chose comme ça. Un échange entre dix, douze personnes, chacun venait avec son histoire et avançait dessus pendant une semaine.Je sais déjà avec qui j’ai envie de travailler pour la lumière, la musique et les décors parce que, quand j’imagine l’histoire, tout ça est déjà dedans. C’est comme ça que je démarre parce que, comme je te le disais, je ne sais pas écrire une histoire alors je viens avec une ambiance.

Par exemple, pour ce long métrage, tout a commencé avec une chanson de Dominique A « Vers le bleu ». Je ne sais pas si c’est ce qu’il racontait mais moi, j’ai imaginé l’histoire de deux frères, à Brest, au cours d’une nuit, dans le monde de la musique et des bars. Après, il faudra écrire l’histoire autour de ça mais ce sera dans cet univers.

J’espère que j’y arriverai mais ce n’est pas facile de faire un long métrage, je ne sais pas combien de projets naissent pour qu’au final, peu de films voient le jour à la fin de l’année. Je ne sais pas, peut-être que d’ici dix ans, je réussirai à faire mon film.»[/vc_column_text][/vc_column][vc_column width= »1/2″][vc_column_text]

TOST – C’hoant ‘z pefe ober un film hir un deiz bennak ?

Avel Corre :

« Ya, un istor am eus. E galleg ar wech-mañ. Pa ‘z out divyezhek e vez e-giz-se d’am soñj. Gant div yezh vamm ez eus traoù e ijinez e-barzh ur yezh ha traoù all e-barzh ur yezh all.

Aet e oan daou vloaz zo da destiñ va istor e « le Groupe Ouest »**. Ur sizhunvezh « De l’idée au scénario » e oa d’am soñj pe un dra bennak e-giz-se. Un eskemm etre dek , daouzek den, pep hini a zeue gant e istor ha mont a rae war-raok e-pad ur sizhunvezh.

Gouzout a ran dija gant piv ‘m eus c’hoant labourat war ar gouloù, war ar sonerezh ha war ar c’hinklañ peogwir pa ijinan an istor emañ an traoù-se e-barzh ennañ dija. Kregiñ a ran e-giz-se peogwir, ar pezh a lavaren dit, n’ouzon ket skrivañ un istor neuze dont a ran-me gant an aergelc’h. Da skouer, evit ar film hir-mañ on kroget gant ur sonerezh gant Dominique A « Vers le bleu ». N’ouzon ket hag-eñ e oa se e oa o kontañ met me ‘m eus ijinet istor daou vreur, e Brest e-pad un nozvezh, e-barzh bed ar sonerezh, e-barzh an ostalerioù sonerezh. Goude e vo ret skrivañ an istor tro-dro an dra-se met ar bed eo an dra-se.Spi ‘m eus e teuin a-benn met n’eo ket aes ober filmoù hir, n’ouzon ket pet raktresoù zo hag a-benn ar fin n’eus ket kement-se a filmoù e fin ar bloaz. N’ouzon ket, marteze a-benn 10 bloaz e teuin a-benn d’ober va film.»

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TOST – Quels sont les films qui t’influencent ?

Avel Corre :

« J’aime les réalisateurs Wong Kar Wai et Hou Hsiao Hsien ; son dernier film s’appelle « The assassin », il a aussi fait « Millenium mambo » et « Three times ». J’aime beaucoup le cinéma de Nuri Bilge Ceylan, les films de Jim Jarmush, comme « Only lovers left alive »… et David Lynch.»

TOST – Qu’est-ce qui te plaît dans ces films ?

Avel Corre :

«Ces réalisateurs sont intéressés par les histoires mais ils créent un lien fort entre l’ambiance et les histoires. Pour eux, l’image est primordiale et quand je dis l’image, je parle des décors, de la lumière, de la caméra, du maquillage, des costumes aussi, tous ces éléments. L’image de manière générale est une part de l’histoire et c’est ça qui me plaît.»

TOST – Y a-t-il un lieu dont tu te sentes particulièrement proche en Bretagne ?

Avel Corre :

«Les Monts d’Arrée. Pour toutes les raisons que je t’ai données. Je pense qu’il y a quelque chose, comme une énergie qui vient soit du ciel, soit de la terre, je ne sais pas trop mais il y a quelque chose de particulier, une énergie qui vient de ce lieu. Je ne suis pas le seul à penser cela. Pour beaucoup de personnes, il y a quelque chose de ce genre dans les Monts d’Arrée.»

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TOST – Gant peseurt filmoù e vezez levezonet ?

Avel Corre :

« Ar sevenerien a blij din eo Wong Kar Wai ha Hou Hsiao Hsien, e film diwezhañ e oa « The assassin », graet en deus « Millenium mambo » ha « Three times »ivez. Plijout a ra din kalz sinema Nuri Bilge Ceylan, filmoù Jim Jarmush, da skouer « Only lovers left alive »… ha David Lynch ivez.»

TOST – Petra a blij dit e-barzh o filmoù ?

Avel Corre :

« Ar sevenerien-se a zo tud dedennet gant an istorioù met liammañ a reont kalz an aergelc’h gant an istorioù. Evito eo a-bouez-kenañ ar skeudenn ha pa lavaran ar skeudenn eo ar c’hinklañ, ar gouloù, ar c’hamera, al livaj, an dilhad ivez, holl an traoù. Ar skeudenn dre vras a zo ul lodenn eus an istor hag an dra-se eo ar pezh a blij din.»

TOST – Hag-eñ en em santez tost-tre ouzh ul lec’h e Breizh ?

Avel Corre :

« Ar Menezioù Are. Evit holl ar pezh em eus lâret dit a-raok. D’am soñj eo peogwir ez eus un dra bennak evel ur seurt nerzh a zeu pe eus an oabl pe eus an douar, n’ouzon ket re met bez’z eus un dra bennak ispisial, ur seurt nerzh a zeu eus al lec’h-se. N’on ket va-unan o soñjal an dra-se. Evit kalz a dud ez eus un dra e-giz-se e-barzh ar Menezioù Are.»

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TOST – Y a-t-il des gens qui t’inspirent ?

Avel Corre :

« C’est difficile de choisir mais je dirais Le Groupe Ouest**. Ils ont fait quelque chose de très fort, parce que ce n’était pas gagné de faire ce qu’ils ont fait au départ, en Finistère.
Ils ont demandé des aides pour créer cette maison, ils ont pris contact avec le monde du cinéma à Paris et on leur a répondu : « Mais pourquoi voulez-vous mener un projet de ce genre, perdus au fin fond du Finistère ? » Alors, ils ont contourné Paris et sont allés voir ce qui se faisait dans le monde autour de l’écriture de scénarios. Ils sont allés voir Torino Film Lab à Turin, ils sont allés voir en Angleterre et à Toronto aussi. »

«Ils ont avancé petit à petit, parce que ça prend du temps. Entre le moment où quelqu’un arrive avec une idée et le moment où on peut voir le film sur les écrans, il y a souvent cinq, six, dix ans parfois.
Trouver une idée, écrire l’histoire, trouver le financement, faire le film et parfois entre le tournage et la diffusion en salles, il se passe un an… ça prend du temps.
Et donc, après six, sept ans, on a commencé à voir des films qui ont été bien accueillis par le public. Et là, c’est le CNC qui est revenu les voir en leur disant : « On ne peut pas vous laisser comme ça, il faut vraiment vous aider ! »

«Je trouve ça très intéressant. Le Finistère est le département où l’on compte le plus grand nombre d’associations en France, il y a de tout, du sport, des dominos ou je ne sais quoi d’autre mais le Finistère, c’est un lieu loin de tout et les gens savent faire les choses par eux-mêmes et ça, c’est une énergie qui me plaît.»

* Prix de l’avenir de la langue bretonne, catégorie « Audiovisuel » – Prizioù 2015
** Le Groupe Ouest accompagne les auteurs au développement de leur scénario et soutient le cinéma indépendant en Bretagne.

Merci à Avel Corre de nous avoir fait visiter les coulisses de son métier. TOST Magazine souhaite bon vent à ses projets et espère être toujours présent pour la sortie en salles de son long métrage… rendez-vous dans dix ans ou peut-être avant !

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TOST – Hag-eñ ez eus tud a vezez awenet ganto ?

Avel Corre :

« Diaes eo dibab met lavarout a rafen « Le groupe Ouest ». Graet o deus un dra bennak kreñv-kenañ, peogwir ne oa ket gounezet ober an dra-se e Penn-ar-Bed e penn kentañ. Goulennet o deus sikourioù evit sevel an ti-se, aet int da welet tud e bed ar sinema e Paris ha lâret e oa bet dezho : « Met perak ho peus c’hoant ober un dra bennak e-giz-se kollet e foñs Penn-ar-Bed ? » Neuze, lammet o deus Paris hag aet int da welet ar pezh a veze graet er bed war ar skrivañ senario, aet int da welet Torino Film Lab e Turin, aet int da welet e bro-Saoz hag e Toronto ivez. »

« Aet int war-raok e-giz-se tamm ha tamm peogwir e kemer amzer. Etre ar mare ma teu un den gant ur mennozh hag ar mare ma vez gwelet ar film war ar skrammoù, alies e vez pemp, c’hwec’h, dek vloaz a-wechoù.
Kavout ur mennozh, skrivañ an istor, kavout an arc’hant, ober ar film hag a-wechoù etre ar mare ma vez filmet hag ar mare ma vez gwelet war ar skramm e vez ur bloaz… kemer a ra amzer.
Ha neuze, goude c’hwec’h, seizh vloaz, kroget eo bet da welet filmoù a zo bet degemeret mat gant ar publik. Hag aze eo ar CNC a zo deuet en-dro da welet anezho o lavarout « Ne c’hellomp ket lezel ac’hanoc’h e-giz-se, ret eo deomp sikour ac’hanoc’h ! 
»

« Kavout a ran an dra-se dedennus-kenañ. Penn-ar-Bed eo an departamant e-lec’h ma vez ar muiañ a gevredigezhioù e bro-C’hall, a bep seurt traoù, sport hag all, domino pe n’ouzon ket met Penn-ar-Bed a zo ul lec’h pell eus pep tra hag an dud a oar ober an traoù o-unan memestra, an dra-se a zo un nerzh a blij din.»

Trugarez da Avel Corre da vezañ diskouezet deomp kostezioù e vicher. Hetiñ a ra dezhañ ar gelaouenn Tost chañs vat evit e raktresoù ha spi hon eus e vo bev ar gelaouenn c’hoazh pa vo skignet war ar skrammoù e film hir… emgav a-benn dek bloaz pe abretoc’h marteze !

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Interview d’Elfenn Quemener & photos de Guillaume Prié

#TostMagazine #TostHaTost[/vc_column_text][/vc_column]

Le Gîte de l’Atelier : havre de paix local aux influences lointaines

 

Le Gîte de l’Atelier : havre de paix local aux influences lointaines

TOST est parti à la rencontre d’Aïcha Dupoy De Guitard, artiste, photographe, cavalière et plus que tout, amoureuse de la sérénité naturelle qui traverse Landévennec.
Inspirée par ses voyages, rencontres, et par la poésie qui s’offre à ceux qui savent regarder, elle a créé et construit le Gîte de l’Atelier, une magnifique éco-cabane, qui raconte autant les parcours lointains que l’abandon au calme du lieu ou l’on se tient déjà.

TOST Mag : Peux tu nous parler des origines du projet ? 

Aïcha Dupoy De Guitard – « Gite de l’Atelier » :

«Tout a commencé avec la vente du terrain qui m’a semblé une bonne opportunité. J’y ai installé un abri pour mes animaux. La vue depuis ce terrain est splendide et j’ai décidé d’en faire profiter tout le monde et pas simplement des animaux !

J’ai toujours aimé les cabanes du Canada, mais aussi les datchas russes et les cabines scandinaves. J’apprécie cette possibilité de se retirer du monde, d’être en connexion avec la nature, tout en conservant du confort dans un cocon. Il était aussi important d’utiliser des matériaux naturels et dans un circuit aussi court que possible. Il y a donc eu beaucoup de récupération pour ce chantier. L’escalier, par exemple, et celui d’une isba et vient de Sibérie puis a été assemblé à Hanvec. La vendeuse voulait changer et comme je rêve de visiter la Sibérie j’ai profité de cette opportunité qui a beaucoup de sens. Le travail a ensuite consisté à adapter l’escalier et à le mettre en place».

TOST Mag : Pourquoi choisir ce type de construction ?

Aïcha Dupoy De Guitard – « Gite de l’Atelier » :

«Tout d’abord, j’adore les cabanes dans les bois et j’adore bricoler. Ensuite j’aime être dehors et faire les choses avec le cœur en ayant la possibilité de décider. Les questions financières également m’ont amenée à choisir une construction de type cabane. J’ai été inspirée par d’autres cabanes que j’avais vues en vrai ainsi que dans des documentaires».

TOST Mag : Peux-tu décrire les bons points de ta cabane, ce qui te plaît dans ce projet ?

Aïcha Dupoy De Guitard – « Gite de l’Atelier » :

«Premièrement, je la considère comme une création, au sens artistique. Ensuite, j’accorde de l’importance à l’émotion et à l’envie de toucher les matériaux. Dans la cabane, tout est naturel, pas sophistiqué. J’aime les choses simples, que je peux ressentir, et la noblesse de ces matériaux».

TOST Mag : Peux-tu nous parler de ta conception de l’accueil ?

Aïcha Dupoy De Guitard – « Gite de l’Atelier » :

«C’est un gîte, donc chacun est indépendant. Je conseille les visiteurs avec plaisir, sinon je m’efface. Je peux leur fournir des informations sur les promenades à proximité, les visites possibles, Landévennec et la presqu’île. J’accorde beaucoup de respect à la bulle de chacun.

Les retours des clients sont ma plus belle récompense. Les gens me disent « on se sent bien », « ressourcés à l’intérieur et à l’extérieur ».

TOST Mag : Peux-tu nous parler de l’importance du lieu dans ce projet ?

Aïcha Dupoy De Guitard – « Gite de l’Atelier » :

«Landévennec est un lieu particulier et ne laisse personne indifférent. Ce lieu permet aux visiteurs d’être en paix avec eux-mêmes et avec l’environnement, de se retrouver et de retrouver leur famille. Le lieu m’a beaucoup influencé pour créer le gîte et on ressent son âme dans le projet. Finalement je suis heureuse, car les gens qui viennent ici ne sont pas les mêmes qui choisiraient un appartement dans une station plus touristique. Je pense qu’ils sont en accord avec ce projet».

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Interview & photos Guillaume Prié

#TostMagazine #TostHaTost

Philippe Bossard, l’explorateur sonore

 

Philippe Bossard, l’explorateur sonore.

Amoureux fou de la mer, musicien et compositeur, Philippe Bossard fait partie de ces rares personnes qui ont su donner à leur vie une chance de s’accorder aux passions qui les accompagnent depuis l’enfance. Calme et sensible, ce Breton nous raconte comment il est arrivé en presqu’ile de Crozon, et comment son expérience de ce lieu unique l’a amené à y poser ses planches et ses claviers.
Avant d’emménager sur la presqu’ile il y 12 ans, le costarmoricain connaissait le lieu, idéalement situé pour la pratique du surf et proche de possibilités de travailler. Il décrit cet endroit comme suffisamment reculé pour rappeler l’isolement d’une île, sans être coupé du monde. La proximité de Brest, notamment, lui offre un moyen de se connecter et de se déconnecter rapidement.
Fruit d’une certaine sérendipité, son arrivée est motivée par l’offre d’un poste à l’école de musique de Crozon, au lendemain de l’obtention de son diplôme au CFMI de Poitiers et d’une erreur de route qui le mènera à son futur domicile. Voyant ces éléments comme une possibilité de s’investir dans ce lieu, Philippe s’engage dans l’école de musique et emménage dans le secteur de Goulien.

Conversation avec Philippe Bossard

« J’ai un rapport à la pierre très particulier », me confie-t-il, cette pierre qui représente la Bretagne du voyage, plus traditionnelle, sauvage. Celle qui sûrement fait revenir les Bretons après avoir vécu ailleurs. Ses diverses expériences le ramènent donc en Bretagne et lui font prendre conscience que « c’est ici ». Nec plus ultra, pas plus loin. « Ici, la mer bouge d’une autre façon » ajoute Philippe, « et les pierres aussi sont différentes ». Sa capacité à contempler, à remarquer les détails est grande et détermine clairement sa façon de trouver l’inspiration, de se réjouir chaque jour d’une manière renouvelée, et d’être le spectateur de tant de richesse naturelle.

Philippe tisse rapidement des liens avec les autres presqu’iliens, par exemple grâce à l’école de musique, à l’école de surf qu’il crée avec son frère, mais aussi des rencontres plus étonnantes avec des géologues qui l’amèneront à jouer de la scie musicale dans des grottes, et après avoir vu un documentaire sur des pierres sonores, à expérimenter son premier lithophone, lors du festival Territoires Sonores 2017. Dans la suite logique de son intérêt pour les pierres, Philippe me fait remarquer qu’une pierre «  ça ne bouge pas » et nous indique que ces pierres se trouvent lors de cueillettes et que seuls 10 % d’entre elles ont la capacité de sonner. La modification du lithophone oblige à la création permanente, de nouvelles choses se créent, un changement de combinaison s’opère, mais une note est toujours stable pour une pierre donnée.

On retrouve chez Philippe cette dualité entre stabilité et changement, entre éternité et nouveauté.

Il porte par exemple aujourd’hui le projet de transformer ces sonorités de pierres de manière électro-acoustique pour les intégrer à des créations modernes et ainsi les faire évoluer. Selon lui, les choses ne sont pas arrêtées, bloquées. Il maintient fermement l’idée de ne pas figer les choses ou vivre dans le souvenir, de faire évoluer, et de ne pas rester coincé. Par ailleurs, il tient à l’idée de mélange et de croiser les chemins.

Philippe est un multi-instrumentiste, mais son outil de prédilection est le clavier. Depuis quelques années, il s’est spécialisé dans la composition sur clavier analogique. Ce qu’il apprécie beaucoup chez ses instruments, qui souvent sont anciens, est leur caractère instable : en effet, beaucoup de composants électroniques  sont aujourd’hui vieux et il trouve dans ces imperfections une impression de vie.

Il considère que la musique est un processus d’évolution permanente, et que « l’année prochaine ce sera autre chose ». Il ne s’envisage pas comme un spécialiste mais plutôt comme « un apprenti en perpétuel apprentissage ». À chaque rencontre se manifeste une opportunité, qu’il entende un instrument ou un son, il va « rebondir dessus », il a « besoin d’être nourri ». La musique peut-être la quête d’une vie et ce qu’il cherche à éviter, c’est un jour de regarder en arrière, 20 ans après, sans avoir essayé. Alors il définit l’expérimentation comme « les accidents » et dans l’idéal il ne cherche à garder que les bons, ces accidents qui vont nourrir sa création.

Il me confie que ses influences ont été jusqu’à 13 ou 14 ans liées à la culture TV, la musique de cinéma, les génériques des émissions etc… « En primaire, tu absorbes tout ! » Quand je l’interroge sur ses influences actuelles, il m’explique qu’elles sont tournées vers les gens avec des recherches comparables. Bien sûr, il ne cache pas son affection pour la musique de Brian Eno, et celle de François de Roubaix pour son rapport à la mer par exemple.

Et puis, Philippe développe un petit peu la raison qui l’a amené à composer des musiques pour des fictions ou des films documentaires par exemple. Progressivement il a pris l’habitude, dans son lien à la vidéo, de voir passer une image et de penser aux sons qu’il pourrait composer en rapport à celle-ci. Parallèlement, il évoque sa manière de repiquer les musiques des gens qui lui plaisaient et de faire preuve de patience et de concentration. Il n’oublie pas non plus ses grandes influences que sont Yann Tiersen, pour sa reconnexion au clavier et lui avoir fait racheter un piano, et le lien direct avec  Philip Glass.

Quand je l’interroge sur la nature locale, Philippe m’explique que ses activités dépendent grandement des saisons. Elles sont ici variées, marquées. Il évoque les houles d’ouest de Septembre, les dépressions, la vie en hiver à l’intérieur qui amène à une création infinie. Et comme il y a un temps pour tout, il évoque le soleil qui pour lui est directement associé au surf. C’est ainsi qu’il partage son année entre ses deux métiers de compositeur et de professeur de surf, toujours profondément attaché à son territoire.

Dans un grand besoin d’équilibre, il précise que le surf lui permet de sortir sa tête de la musique, sinon il en vient à manquer de recul. C’est aussi une façon d’être actif physiquement et de respirer, ce qui dans son cas porte un très grand sens puisqu’il a longtemps souffert d’asthme ( il en tirera des compositions remarquables sous le titre d’Asthma Songs ). Le surf l’a donc amené au voyage, à la rencontre, à la vie sociale et lui a évité de manquer d’air. Cette respiration précieuse, on la retrouve dans son style organique et aérien, ancré et explorateur. 

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Interview & photos Guillaume Prié

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