Alena Ehrenbold : des montagnes Suisses à l’océan Atlantique, elle veut vivre ses passions à fond !

Alena Ehrenbold : des montagnes Suisses à l’océan Atlantique, elle vit ses passions à fond !

Alena est une « fille de l’eau », un peu bohème, un peu poète, un peu sirène, elle a grandi au bord du Lac de Lucerne au pied des montagnes suisses. Elle a choisi de devenir surfeuse après avoir appris « sur le tard » à dompter les vagues, puis a voulu en faire son métier car passionnée et douée. Elle a découvert récemment les vagues et les paysages du Finistère, qui est devenu un nouveau pied à terre…Alena aime aussi raconter des histoires autour de sa passion qu’elle partage avec tous à travers la réalisation de films et court-métrages.

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Alena m’avait donné rendez-vous à la pointe du Raz, dans l’atelier-café-boutique « Monsieur Papier », situé au bout du monde, dans l’ancien Relais de l’île de Sein d’où partait depuis le petit port le bateau qui faisait les liaisons avec l’île de Sein dans les années 50. Ce jour-là, c’était un temps bien breton, dehors, le vent et le crachin qui rougissaient nos joues, nous ont poussées à nous abriter à l’intérieur.

Nous nous sommes installées confortablement autour d’un cappuccino, sur une table située derrière les baies vitrées de la véranda de l’atelier, avec une vue imprenable sur l’océan et la lande. Ce n’est pas un hasard si Alena m’a invitée à la rejoindre dans ce café situé à la pointe du Finistère, Alena est ici dans son élément, nous sommes en effet entourées de créatures marines : poissons, phares, crabes, coquillages, bateaux, et autres curiosités en tous genres qui prennent vie imprimés sur le papier des carnets, livres, affiches, et déco, vendus dans la boutique des deux créatrices du lieu.

TOST – Peux-tu te présenter aux lecteurs de TOST ?

« Je m’appelle Alena, je viens de Suisse et je suis free-surfeuse. J’écris aussi des articles et des scripts de films, que je produis et que je réalise. Je voyage aussi beaucoup, je pourrais presque dire que je suis une « nomade-professionnelle ».

TOST – Tu as grandi près des montagnes en Suisse, qu’est-ce qui t’as attiré vers l’océan ?

« J’ai grandi à Lucerne, près du lac, au milieu des montagnes enneigées. J’ai ensuite obtenu un master en économie à l’université de Zurich, puis je suis devenue professeur en droit et en économie au lycée et dans une école pour adultes en reprise d’étude, à Lucerne. Il y a 3 ans et demi, j’ai tout lâché et je me suis permise d’essayer de vivre à plein temps comme surfeuse professionnelle et directrice de films, mes deux passions. »

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TOST – Comment t’es-tu mise au surf et que représente le surf pour toi ? Que t’apporte-t-il dans ta vie ?

« Avant de surfer, j’étais déjà sportive, je faisais de l’athlétisme et du karaté à haut niveau. J’ai aussi toujours passé du temps près de l’eau, c’est mon élément. Mes parents allaient au lac de Lucerne et on voyageait beaucoup. »

« La mer me fascinait déjà avant de commencer à surfer. J’ai grandi en ville, mais j’aimais partir à l’aventure. Depuis toute petite, j’aime être au bord de l’océan, proche de la nature, c’est à la fois apaisant et ressourçant, c’est « méditatif », ce côté-là me plait beaucoup. Tu te sens en lien avec la nature, tu te déconnectes de tes préoccupations quotidiennes.»

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« C’est quand j’ai rencontré mon copain de l’époque, qui était passionné de surf que j’ai découvert ce sport. J’avais le choix : aussi essayer de surfer ou attendre sur la plage, et je ne suis pas du style à rester passive, je préférais aller à l’eau, même si au début ça n’était pas facile ! C’est comme ça qu’à 21 ans, j’ai pris un cours de débutant de surf au Portugal, ça m’a beaucoup plu. »

« De retour en Suisse, il n’y avait pas de vagues ^^ ! J’avais toujours cet objectif, pendant mes études, dès que j’avais du temps et assez d’argent, je partais surfer. Pendant 5 ans j’ai fait comme ça, je voulais progresser, car je faisais partie d’un groupe d’amis qui surfaient à un bon niveau, et je courais toujours après eux, pour rattraper leur niveau. Ils me motivaient et étaient exigeants. Quand nous partions en Italie ou en France pour le weekend ou pour quelques jours, ils étaient cash : « tu peux venir mais tu fais pas ‘’iech‘’ ». J’avais intérêt à progresser ! Finalement, j’ai obtenu mon diplôme de Master en Économie et le diplôme pour enseigner. J’ai eu donc les moyens de voyager plus souvent. »

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« J’ai pu aller dans d’autres pays, rencontrer d’autres surfeurs et m’en inspirer. Je partais avec une ou deux planches, une combinaison et une valise. J’étais seule à surfer, et je n’avais pas beaucoup d’amis qui pouvaient m’accompagner, du coup je voyageais souvent seule. C’était inhabituel pour moi au départ car je n’étais pas vraiment indépendante, je faisais souvent les choses à plusieurs, en famille ou entre amis.»

« Ça m’a poussée à me prendre en main si je voulais atteindre mon objectif et atteindre un bon niveau. C’était vraiment l’aventure, je devais me débrouiller toute seule, être autonome, me motiver. Un vrai défi. Cela m’a également permis de m’ouvrir et d’aller vers les autres. »

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« En 2010 j’ai commencé à travailler au lycée comme Professeur d’Économie, c’était mon premier emploi fixe. Quelques fois le directeur de l’école me permettait de prendre des congés supplémentaires d’une ou deux semaines pour partir pour un projet ou pour les compétitions. Et je partais toujours pendant les vacances, j’étais à fond quelques soient les vagues. Ce qui m’a permis ensuite d’entrer dans la Team Nationale de Surf Suisse, de participer aux compétitions et d’avoir des sponsors. J’avais une double-vie de professeur et de surfeuse, et ce jusqu’à mes 32 ans. Le week-end je prenais ma voiture, je partais en direction de l’Italie en hiver, quelque soit le temps. J’ai eu de meilleures planches (pas du tout facile à trouver en Suisse !), de nouveaux sponsors et j’ai ensuite vu une petite chance de pouvoir vivre du surf en tant que professionnelle. »

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TOST – Que penses-tu de l’image de la femme dans le surf ?

« Comme j’ai commencé à surfer très tard, je suis passée par toutes les étapes, depuis le niveau débutante jusqu’au haut niveau. C’est un sport plutôt machiste et archaïque. Encore aujourd’hui je suis souvent la seule fille sur le spot. On commence par me braquer les vagues, je dois montrer que je surfe bien, je dois m’imposer. Quand les conditions sont grosses ou bonnes, c’est souvent chacun pour soi : fille ou garçon, aucune différence. On ne se fait pas de cadeau entre surfeurs, je dois prouver que je suis capable autant qu’un homme sur le pic. Je pense que c’est en train de changer, nous sommes dans une phase de transition. Il y a encore plein d’endroits où les femmes ne s’autorisent pas à surfer. Souvent la culture du surf s’est imposée. Par exemple en Australie et en Californie tout le monde en fait. Les choses évoluent. »

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TOST – Tu es également productrice (Blue Road Surf Film), scénariste et réalisatrice de court-métrages et documentaires, comment t’es venue cette nouvelle passion ?

« Je suis arrivée au film par l’écriture. Avec le surf, j’ai commencé à écrire, ça m’a toujours manqué de ne pas avoir la vidéo. J’avais le texte, les photos, il me manquait l’image animée.»

« J’ai toujours été très rêveuse, l’imagination parle, j’écris, je visualise des choses et des idées. Et j’ai envie de les partager à travers mes films. »

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TOST – Comment choisis-tu ton équipe de réalisation, comment est-elle constituée ?

« Comme je ne suis pas trop « technicienne », j’ai cherché des professionnels. J’ai réalisé « I WANNA SURF » le premier film sur la communauté surf de Suisse. On est parvenu à réunir l’argent, on a fait un crowdfunding. J’étais plutôt productrice que réalisatrice.
Et j’ai ensuite écrit mon premier script avec « BLUE ROAD ». Sur ce film, il y avait 4 monteurs et cameramen/women. J’étais réalisatrice et j’ai pu m’exprimer davantage. Et encore plus avec « TAN ». Sur ce dernier film, j’ai travaillé avec Yohann Strullu (blackpixels.fr). C’est une relation de travail qui marche très bien. J’apprécie énormément son travail et son esprit, nous sommes une bonne team.»

TOST_Surf_Finistere_Alena_Ehrenbold_©Thomas_Bonderf-6113©Thomas Bonderf

TOST – Que souhaites-tu transmettre à travers tes films ?

« Pour « BLUE ROAD » je me suis intéressée à la question de l’importance de la passion dans une vie. Je me suis rendue compte que je n’étais pas la seule. Je pouvais raconter cette histoire avec d’autres points de vue que le mien. Annabelle Talouarn, Rachel Bonhote et moi étions déjà des copines, ça marchait bien. À travers des portraits authentiques de surfeuses, j’ai voulu proposer une vision personnelle du surf féminin aujourd’hui. »

TOST_Surf_Finistere_Alena_Ehrenbold_©Thomas_Bonderf-6719©Thomas Bonderf

« Pour « TAN » j’ai voulu raconter l’histoire de Robin Goffinet. Robin fabrique des planches de surf (shaper) en Finistère dans la Baie d’Audierne. J’étais une cliente au début, puis nous sommes devenus amis. J’ai voulu raconter son métier, comment il travaille. J’ai écrit un script sur lui. »

« J’ai trouvé intéressant d’apprendre à le connaitre, d’analyser ses valeurs et sa façon de vivre. J’ai passé beaucoup de temps à l’observer, trouver ce qui serait intéressant à raconter, se laisser inspirer par son histoire. Une question s’est posée : comment Robin, tout en étant très sollicité par son métier reste-t-il fidèle à ses convictions et ses valeurs ? Il est aussi question du rapport entre le temps, son métier et sa passion.»

« Je suis contente car ce film a remporté plusieurs récompenses dans le monde, et également dans des Festivals de Film de Surf réputés, aux Etats-Unis, en Australie. C’est un film qui fait écho aux valeurs de nombreuses personnes. »

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©Thomas Bonderf

« Dans le prolongement de la réalisation, je viens de fonder avec des bons amis le Swiss Surf Film Festival (SSFF). C’est un festival qui aura lieu fin avril à Lucerne, en Suisse, où nous allons projeter des productions des quatre coins du monde. Il y aura aussi des expos, un bar, des concerts, des bons petits plats… Le tout, les pieds dans l’eau du lac, devant le coucher de soleil sur le Pilatus (sommet emblématique de la région). On attend des films du monde entier, d’Afrique du Sud, d’Australie, d’Irlande, de France, etc. et aussi de Suisse. ! Et je suis également en train d’écrire le script d’un nouveau film. »

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TOST – Tu viens régulièrement poser tes valises dans le Cap Sizun, pourquoi aimes-tu venir au Bout du Monde ?

« J’aurais pu choisir tous les endroits du monde. Je suis très liée à la Suisse, à ma famille, mes potes. L’Australie, destination idéale pour surfer, c’était trop loin. Je préférais rester en Europe et être plus près de mes proches. Je suis souvent allée dans les Landes, et surfé sur la côte Sud-Ouest. Je ne me sentais pas vraiment à l’aise là-bas, et j’ai découvert la Bretagne.»

« J’étais attirée par le Finistère. Je savais que je pourrais y surfer, et j’ai accroché dès la première visite, ça m’a plu tout de suite. J’étais touchée par la nature, les plages, les vagues, ça m’inspirait. Ici j’ai rencontré des gens qui sont devenus mes potes. »

« Je ne suis presque jamais plus de deux semaines dans un endroit. Entre les projets de films, les photos, les compétitions, les conférences, je bouge tout le temps. Le Finistère est devenu un nouveau pied à terre, c’est un endroit où je me ressource, où je peux être créative chaque fois que j’y pose mes valises. Depuis 5 ans j’aime le Finistère par tous les temps, toutes les saisons. Qu’il pleuve ou qu’il vente. J’aime la variété des spots entre Brest et Penmarc’h. J’ai maintenant la chance d’y avoir de nombreux amis.»

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TOST – Quelle est ta devise ? 

« If you don’t go, you don’t know ! »

TOST – Quel est l’endroit dont tu te sens la plus proche (TOST) ?

« C’est l’eau. Un lac, une rivière ou surtout la mer ! Au pire une piscine ou même la douche pour dépanner 😉 »

TOST – As-tu un lieu et une personne à nous recommander – qui t’inspirent ?  

« Dans une autre occasion j’aurais dit le Finistère, mais bon.. du coup, un peu plus exotique : les îles d’Indonésie. La culture, la gentillesse des gens, la nourriture, la nature, les vagues. »

« Pour la personne à recommander, je dirais Albert Würsch chanteur et compositeur du groupe « Al-Berto and the fried Bikinis ». C’est un très bon ami à moi et une des personnes les plus positives sur terre ! » 

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Sur la toile

alenaehrenbold.ch
Instagram : @alenaehrenbold
Facebook: alena.ehrenbold

blueroadsurffilm.com
Vimeo : vimeo.com/blueroad

Swiss Surf Film Festival
1ere édition du 26 au 28 Avril 2019 à Lucerne – Suisse
swisssurffilmfestival.ch

Monsieur Papier
www.monsieurpapier.fr

Al-Berto and the fried Bikinis
Alena featuring dans le clip « Miel »

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Interview de Magali Nouguier & photos de Guillaume Prié

Sauf mentions ©Thomas Bonderf
Instagram @thomasbonderf

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Philippe Bossard, l’explorateur sonore

 

Philippe Bossard, l’explorateur sonore.

Amoureux fou de la mer, musicien et compositeur, Philippe Bossard fait partie de ces rares personnes qui ont su donner à leur vie une chance de s’accorder aux passions qui les accompagnent depuis l’enfance. Calme et sensible, ce Breton nous raconte comment il est arrivé en presqu’ile de Crozon, et comment son expérience de ce lieu unique l’a amené à y poser ses planches et ses claviers.
Avant d’emménager sur la presqu’ile il y 12 ans, le costarmoricain connaissait le lieu, idéalement situé pour la pratique du surf et proche de possibilités de travailler. Il décrit cet endroit comme suffisamment reculé pour rappeler l’isolement d’une île, sans être coupé du monde. La proximité de Brest, notamment, lui offre un moyen de se connecter et de se déconnecter rapidement.
Fruit d’une certaine sérendipité, son arrivée est motivée par l’offre d’un poste à l’école de musique de Crozon, au lendemain de l’obtention de son diplôme au CFMI de Poitiers et d’une erreur de route qui le mènera à son futur domicile. Voyant ces éléments comme une possibilité de s’investir dans ce lieu, Philippe s’engage dans l’école de musique et emménage dans le secteur de Goulien.

Conversation avec Philippe Bossard

« J’ai un rapport à la pierre très particulier », me confie-t-il, cette pierre qui représente la Bretagne du voyage, plus traditionnelle, sauvage. Celle qui sûrement fait revenir les Bretons après avoir vécu ailleurs. Ses diverses expériences le ramènent donc en Bretagne et lui font prendre conscience que « c’est ici ». Nec plus ultra, pas plus loin. « Ici, la mer bouge d’une autre façon » ajoute Philippe, « et les pierres aussi sont différentes ». Sa capacité à contempler, à remarquer les détails est grande et détermine clairement sa façon de trouver l’inspiration, de se réjouir chaque jour d’une manière renouvelée, et d’être le spectateur de tant de richesse naturelle.

Philippe tisse rapidement des liens avec les autres presqu’iliens, par exemple grâce à l’école de musique, à l’école de surf qu’il crée avec son frère, mais aussi des rencontres plus étonnantes avec des géologues qui l’amèneront à jouer de la scie musicale dans des grottes, et après avoir vu un documentaire sur des pierres sonores, à expérimenter son premier lithophone, lors du festival Territoires Sonores 2017. Dans la suite logique de son intérêt pour les pierres, Philippe me fait remarquer qu’une pierre «  ça ne bouge pas » et nous indique que ces pierres se trouvent lors de cueillettes et que seuls 10 % d’entre elles ont la capacité de sonner. La modification du lithophone oblige à la création permanente, de nouvelles choses se créent, un changement de combinaison s’opère, mais une note est toujours stable pour une pierre donnée.

On retrouve chez Philippe cette dualité entre stabilité et changement, entre éternité et nouveauté.

Il porte par exemple aujourd’hui le projet de transformer ces sonorités de pierres de manière électro-acoustique pour les intégrer à des créations modernes et ainsi les faire évoluer. Selon lui, les choses ne sont pas arrêtées, bloquées. Il maintient fermement l’idée de ne pas figer les choses ou vivre dans le souvenir, de faire évoluer, et de ne pas rester coincé. Par ailleurs, il tient à l’idée de mélange et de croiser les chemins.

Philippe est un multi-instrumentiste, mais son outil de prédilection est le clavier. Depuis quelques années, il s’est spécialisé dans la composition sur clavier analogique. Ce qu’il apprécie beaucoup chez ses instruments, qui souvent sont anciens, est leur caractère instable : en effet, beaucoup de composants électroniques  sont aujourd’hui vieux et il trouve dans ces imperfections une impression de vie.

Il considère que la musique est un processus d’évolution permanente, et que « l’année prochaine ce sera autre chose ». Il ne s’envisage pas comme un spécialiste mais plutôt comme « un apprenti en perpétuel apprentissage ». À chaque rencontre se manifeste une opportunité, qu’il entende un instrument ou un son, il va « rebondir dessus », il a « besoin d’être nourri ». La musique peut-être la quête d’une vie et ce qu’il cherche à éviter, c’est un jour de regarder en arrière, 20 ans après, sans avoir essayé. Alors il définit l’expérimentation comme « les accidents » et dans l’idéal il ne cherche à garder que les bons, ces accidents qui vont nourrir sa création.

Il me confie que ses influences ont été jusqu’à 13 ou 14 ans liées à la culture TV, la musique de cinéma, les génériques des émissions etc… « En primaire, tu absorbes tout ! » Quand je l’interroge sur ses influences actuelles, il m’explique qu’elles sont tournées vers les gens avec des recherches comparables. Bien sûr, il ne cache pas son affection pour la musique de Brian Eno, et celle de François de Roubaix pour son rapport à la mer par exemple.

Et puis, Philippe développe un petit peu la raison qui l’a amené à composer des musiques pour des fictions ou des films documentaires par exemple. Progressivement il a pris l’habitude, dans son lien à la vidéo, de voir passer une image et de penser aux sons qu’il pourrait composer en rapport à celle-ci. Parallèlement, il évoque sa manière de repiquer les musiques des gens qui lui plaisaient et de faire preuve de patience et de concentration. Il n’oublie pas non plus ses grandes influences que sont Yann Tiersen, pour sa reconnexion au clavier et lui avoir fait racheter un piano, et le lien direct avec  Philip Glass.

Quand je l’interroge sur la nature locale, Philippe m’explique que ses activités dépendent grandement des saisons. Elles sont ici variées, marquées. Il évoque les houles d’ouest de Septembre, les dépressions, la vie en hiver à l’intérieur qui amène à une création infinie. Et comme il y a un temps pour tout, il évoque le soleil qui pour lui est directement associé au surf. C’est ainsi qu’il partage son année entre ses deux métiers de compositeur et de professeur de surf, toujours profondément attaché à son territoire.

Dans un grand besoin d’équilibre, il précise que le surf lui permet de sortir sa tête de la musique, sinon il en vient à manquer de recul. C’est aussi une façon d’être actif physiquement et de respirer, ce qui dans son cas porte un très grand sens puisqu’il a longtemps souffert d’asthme ( il en tirera des compositions remarquables sous le titre d’Asthma Songs ). Le surf l’a donc amené au voyage, à la rencontre, à la vie sociale et lui a évité de manquer d’air. Cette respiration précieuse, on la retrouve dans son style organique et aérien, ancré et explorateur. 

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Interview & photos Guillaume Prié

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Justine Chiara, fille de l’eau et de l’air

Justine Chiara, fille de l’eau et de l’air

TOST vous invite à faire connaissance avec Justine Chiara, une jeune femme trentenaire dynamique, curieuse et pétillante.
Originaire de Quimper, elle est passionnée de surf et d’océan, mais aussi très active, son emploi du temps est bien rempli : maman, employée de banque, blogueuse de Girls On Waves et organisatrice d’événements pour toutes les femmes en Finistère qui lient le sport et l’océan avec l’association OCEAN GIRLZH, Justine vit sa vie à fond !

TOST Mag : Peux-tu te présenter aux lecteurs de TOST ?

Justine Chiara :

« J’ai 32 ans et suis née à Quimper. J’ai fait mes études de Licence d’anglais Littérature et civilisation étrangère à Rennes, mais c’était à mon goût trop éloigné de la mer ! J’ai ensuite enchaîné avec un BTS Management des Unités Commerciales à Quimper. Pour moi,  c’était plus concret et cela m’a permis de m’investir dans un projet professionnel. Je suis aujourd’hui employée de banque, j’écris aussi dans un blog « Les filles de l’eau – Girls on Waves » et me suis investie comme organisatrice d’événements dans l’association OCEAN GIRLZH.

J’aime être proche de l’océan. Enfant, je partais en vacances, en famille, en caravane au camping municipal du Guilvinec ou à Névez, je me souviens des sorties de pêche en mer en Zodiac, on passait notre été sur la plage au bord de l’eau. »

TOST Mag : Que représente le surf dans ta vie ?

Justine Chiara :

« La première fois que j’ai surfé, c’était juste après le Bac, j’y suis allée avec une copine qui m’avait confié sa planche, une mini Malibu BIC. Au début, je surfais toute seule, car je n’avais pas de copine avec un surf et qui aimait surfer.… J’ai décidé de prendre un cours à l’ESB de Penhors, cela m’a permis d’avoir les bases, même si je surfais moins quand j’étais sur Rennes pendant mes études. Puis, j’ai déménagé à Plonéour Lanvern, et j’ai pu pratiquer le surf avec des amis qui faisaient aussi du bodyboard.

J’ai un peu laissé tombé à la naissance de mon fils puis j’ai repris le sport avec le Hockey subaquatique. J’étais dans l’équipe qui joue à la piscine de  Kerlanvian à Quimper (Club des Diablotins de Cornouaille), c’était très sympa et convivial comme ambiance. Nous sommes même allés jusqu’en D3 au Championnat de France en équipe féminine.

Je suis retournée vers l’océan via le bodyboard d’abord et ensuite j’ai repris le surf. J’avais acheté une planche Malibu et j’y allais d’abord toute seule, puis avec mon copain, ou encore avec mon fils de 9 ans qui est aussi mordu de surf.»

« J’ai différentes approches du surf, j’aime surfer toute seule pour me vider la tête, car j’ai une vie personnelle très remplie, donc ce moment en tête à tête avec moi-même est privilégié pour moi, il me permet de me recentrer, de faire une introspection et de lâcher prise.

Ça peut aussi être un moment de partage et de convivialité, quand on se retrouve entre amis à la plage, on y prend le goûter ou l’apéro, on se dépanne et on se prête les planches entre copains.

Ou ça peut encore être un moment privilégié à deux, avec mon chéri ou bien seule avec mon fils.»

« Le surf c’est aussi un moment « sans filtre », je suis décontractée et naturelle, en mode « Roots », imagine le style : avec mon poncho, ma combi Panda et mes Uggs violette after surf, coiffée avec un chignon « choucroute », c’est pas très glamour mais je me sens bien ! 

J’aime le surf en mode « détente », je ne cherche pas la performance, mais juste à me faire plaisir, avoir de bonnes sensations, glisser, prendre des vagues, passer un bon moment, être dans l’eau, c’est aussi ludique quand on y va entre amis, on rigole bien, on s’encourage et on ne se prend pas au sérieux entre nous.

Je suis passée ensuite du Malibu au Longboard il y a quelques années. Je me sens à l’aise dans les petites vagues, je n’aime pas surfer du gros ! C’était le cadeau d’anniversaire de mon chéri car il est super content d’avoir une copine qui surfe et qui skate. Mon fils a aussi sa planche de surf BIC, c’est un cadeau de toute la famille, il est super fier.»

TOST Mag : Qu’est-ce qui t’attire vers l’océan ?

Justine Chiara :

« Comme je le disais, j’ai passé mes vacances au bord de l’océan, et j’ai appris à l’aimer. L’océan c’est aussi un élément qui est « direct », c’est comme la montagne, c’est lui qui décide. Quand je surfe, je suis obligée de me concentrer sur ce que je fais et de rester focus sur l’océan. C’est un milieu instable, variable, il faut s’adapter à chaque vague et on n’a pas le contrôle sur tout, je suis obligée de lâcher prise  sur tout le reste quand je suis dans l’eau. »

TOST Mag : Quel est ton « home-spot » préféré ?

Justine Chiara :

« J’en ai plusieurs : Tronoën, Tréguennec et la plage devant le parking des Pins à Pors Carn (Penmarch). Je vais aussi à Goulien en maison de vacances. J’aime beaucoup le spot de La Palud, quand c’est propre et lisse, en longboard c’est TOP ! Beaucoup moins quand c’est gros car là c’est des galets, c’est un peu galère (LOL) !


J’aime aussi surfer l’hiver, on est tranquille, il y a moins de monde et des bonnes conditions. On est bien chez nous toute l’année pour surfer ! »

TOST Mag : Comment t’es-tu mise à écrire dans ton Blog Girls On Waves ?

Justine Chiara :

« Je suis une personne très connectée, qui aime partager et je m’intéresse aux autres, je suis sur les réseaux sociaux, en mode 2.0 ! Mais j’aime également la littérature, et écrire. J’ai déjà commencé plusieurs romans/ nouvelles. J’aimerai pouvoir trouver du temps pour écrire un livre et publier plus souvent des articles sur mon blog.

J’écris aussi des chroniques pour d’autres blogs de surf féminin IMMERSION surf magazine et Please Give Me Small Wave . Tenir son blog, c’est partager ton vécu et ton expérience, tu ne risques rien, au pire personne ne te lira ! !-) Mais au moins tu as essayé. J’aime essayer des choses, je suis un peu touche-à-tout !

A travers mon blog, je veux partager et mettre en avant le coté authentique de la pratique du surf féminin en Finistère. »

TOST Mag : Que penses-tu de l’image de la femme dans le surf ?

Justine Chiara :

« Je ne suis pas ce qu’on pourrait appeler une féministe, mais j’ai beaucoup de mal avec l’image de la surfeuse que l’on voit partout. En cela, des nanas comme Silvana Lima, voire même Johanne Defay ont tout mon respect. Elles surfent avec un niveau de fou, et doivent se battre pour avoir des sponsors, tout ça parce qu’elle n’ont pas fait le choix ou eu la chance de s’afficher façon Alana Blanchard… Je trouve ça dingue!

Je veux casser l’image de la surfeuse « sexy », il existe en « vrai » un surf différent, authentique, simple et sans prétention ! On est moins dans les apparences, et le style « bimbo sur une planche de surf ».

« Ici, nous les filles, nous sommes moins influencées par le culte du corps, la preuve : si tu surfes en maillot en Bretagne, tu finis vite gelée, ça caille, ça te flingue les genoux et le bassin, vive le surf en combi (!), même si on voulait surfer en maillot on ne pourrait pas ! (LOL)

Même les hommes subissent cette image du surfeur beau gosse, cool, blond décoloré, et chargeur. Tous les hommes ne cherchent pas à surfer des grosses vagues, la plupart ne veulent pas se prendre la tête.

On voit que ça change et que le milieu du surf est plus ouvert et que les diktats des apparences évoluent, comme la société, c’est positif pour tout le monde. »

TOST Mag : Comment est né le concept d’OCEAN GIRLZH ?

Justine Chiara :

« J’ai rencontré Marine Grosjean à un cours de sirène (NDLR : créatrice de la marque NEREES elle pratique et enseigne la nage en Monopalme), on a discuté et puis elle est venue surfer avec moi. On a pas mal échangé sur le concept de l’asso et on voulait repartir sur autre chose ensemble. Marine a organisé avec Laurianne Le Cosec ( France is Fun) un premier event; ça a cartonné, Laurianne n’a pas pu continuer alors j’ai proposé a Marine de l’accompagner ! Le but d’Ocean Girlzh est d’organiser des événements pour les femmes, proposer de tester et pratiquer des sports en plein nature ou des activités créatives en lien avec l’océan, valorisant notre belle côte bretonne, dans une ambiance conviviale, bienveillante et en toute décontraction. 

Nous pensons organiser des événements tous les 2 mois environ, le prochain aura lieu au moins de juin, sur toute une journée : avec le matin, ramassage des déchets sur la plage de la Torche (Clean Up Day), puis sont proposées des activités l’après-midi (Surf, Yoga, cosmétique Do It Yourself) et pour terminer la journée sur une note festive, soirée apéro miam Foodtruck chez RIZE UP surfshop à la Torche. »

TOST Mag : Quelles sont tes sources d’inspiration?

Justine Chiara :

« Ma région! Nous avons la chance de vivre dans un lieu magique et magnifique. Ici, les gens sont à l’image des paysages, un peu sauvages mais authentiques. On dit qu’il faut parfois du temps pour s’intégrer en Bretagne, mais qu’on est ensuite adopté pour la vie! Et je trouve ça très vrai.

Les filles de ma génération ! Génération Y ou multipotentielles, appelle ça comme tu veux. J’admire les filles qui avancent, essaient et multiplient les aventures. Mon crédo : la vie est trop courte pour s’ennuyer!

Je le vois autour de moi : on laisse les enfants, après le boulot, pour se retrouver entre copines pour aller surfer parce que c’est notre passion. On s’investit dans des asso, on crée du contenu internet, on se rencontre et toute l’énergie qui ressort de cette rencontre, c’est juste dingue ! »

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Interview & photos Magali Nouguier

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Francis Chaléat, surf culture en Pays Bigouden

Francis Chaléat et la surf culture en Pays Bigouden

TOST est allé à la rencontre de Francis Chaleat : natif de Pont l’Abbé, enfant du Pays Bigouden où il a grandi.
Il connaît comme sa poche la pointe de la Torche à Plomeur, le fameux spot de surf du Finistère Sud où il a pris ses premières vagues en bodyboard à l’âge de 10 ans.
Il vient d’organiser avec l’ESB Surf Club la première édition du E. Leclerc Pont L’Abbé Junior Pro La Torche 2018 (durant les vacances scolaires de printemps, du 9 au 13 Mai), qui pour la toute première fois en Bretagne fait figurer la pointe de la Torche, haut lieu du surf Français et Européen, parmi les 6 étapes du circuit qualificatif de surf professionnel junior de la World Surf League, lui offrant ainsi une visibilité à l’échelle internationale.
L’élite européenne du surf espoir, ainsi que nos jeunes surfeurs et surfeuses bretons, s’y sont affrontés sur des vagues dignes de la réputation du spot mythique de la Baie d’Audierne.
Francis Chaleat partage avec nous sa passion pour le surf, ses souvenirs d’enfance sur les dunes de la Torche et ses autres passions comme la musique et la composition…

TOST Mag : Quand as-tu commencé à surfer ?

Francis Chaleat :

«J’ai découvert le surf en 96, au lieu de traîner dans mon lotissement l’été, ma mère m’avait inscrit à un stage de surf en me promettant une crêpe au chocolat à la fin de la journée (LOL) ! C’était à l’ESB la Torche avec Didier Tirilly, ça m’a plu et du coup j’en ai fait toute la semaine et j’ai reçu une Vague d’Or à la fin du stage. Ensuite mes parents m’ont acheté ma première planche, j’étais vraiment motivé pour surfer, ce fut un gros déclic. J’avais même fait une dissertation à la rentrée et j’avais eu un 17/20, j’étais inspiré !

J’ai ensuite suivi les cours au centre d’entraînement de l’école de surf ESB La Torche, j’allais en perfectionnement surf tous les mercredis et samedis. C’était 4 ans après l’ouverture de l’ESB, il y avait de nouvelles infrastructures, c’était le début du « surf encadré, structuré » à la pointe de la Torche. Il y avait à l’époque une école de surf et deux clubs dans le pays Bigouden : le Pont l’Abbé Surf Association (PASA) créé par Bruno Troadec et Gilles Romigou et le Kangourou Surf Club (KSC) où moi j’étais licencié, ce qui me permettait de participer aux compétitions de surf. Une grosse partie de mes copains étaient au PASA, j’y passais aussi pas mal de temps. »

TOST Mag : Qu’est-ce qui te plaisait le plus dans le surf ?

Francis Chaleat :

« J’ai participé à mon premier stage avec un ami, et c’est aussi comme ça que j’ai rencontré mes amis d’enfance : Pierre et Julien Troadec, Germain Romigou, et les frères Maël et Alan l’Helgoualc’h, les frères Le Berre (Rise Up)… On était une bande de copains qui aimait traîner à la Torche. On passait beaucoup de temps sur la pointe, on y allait dès qu’on avait du temps libre, après l’entraînement de surf et le week-end. On laissait même nos affaires derrière les toilettes sur le parking derrière l’ESB, et pour la petite histoire, on s’amusait à voler le goûter des autres !

On était très autonomes, nos parents nous déposaient pour la journée et on squattait les blockhaus sur la plage, c’était notre terrain de jeu. Plus tard, en grandissant, Le soir venu, on allait user nos tongs sur le parquet de la discothèque « À l’Ouest », (NDLR – elle est maintenant fermée), la seule boîte du coin où tu pouvais venir en short et en tongs pour danser.

J’ai participé à ma première compétition assez vite, j’ai remporté quelques coupes, et cela m’a permis de renforcer les liens avec mes amis lors des déplacements dans le Sud Ouest.

«J’aime rappeler des souvenirs un peu « à l’arrache » du début, où on se déplaçait avec l’ESB dans un camion bleu avec notre conducteur/moniteur/entraineur Claude Pricart (qui aujourd’hui a son école à Tréguennec), mais aussi Didier Tirrily ou Ronan Chatain. Je garde les souvenirs où l’on devait sortir du camion, pousser tous dessus pour qu’il redémarre…

Puis l’ESB s’est structurée petit à petit, s’orientant de plus en plus vers le haut niveau, achetant le premier caméscope pour filmer nos sessions et analyser nos manœuvres, c’était innovant en 1998. C’est aussi l’époque de la création de la première section sportive au collège Paul Langevin avec le professeur d’EPS Yannick le Coz de l’Atlantic Surf Shop et qui a aussi fondé le Kangourou Surf Club.

Didier Tirrily a impulsé la création du Pôle Espoir Surf de Bretagne, ouvert en 2001. J’ai pu bénéficier des entraînements de la filière d’accès au haut niveau pendant deux ans. C’était la première génération qui bénéficiait de cet accompagnement en surf au lycée. J’étais dans la même promotion que Sébastien Le Berre (Ecole de surf RIZE UP), Thomas Joncour suivait aussi les entraînements avec Alan l’Helgoualc’h (les deux fondateurs du 29 HOOD Surf Club), Gautier Hamon (décédé accidentellement lors d’une session de surf à Brest) et Léa Brassy (artiste, surfeuse et aventurière, elle sillonne le monde et a tourné une série de documentaires, elle vient de sortir une vidéo en ligne de son aventure surf et montagne en Islande avec son compagnon Vincent Colliard). »

TOST Mag : Quel est ton meilleur souvenir de compétition ?

Francis Chaleat :

« J’ai été Champion de Bretagne de Surf en 2000 sur mon spot d’enfance à la Torche, Sinon je suis aussi monté sur les podiums sur la seconde ou troisième marche.

Je m’étais inscrit à l’« Expression Session » en marge des EPSA la Coupe d’Europe de Surf sponsorisé par Kanabeach, cette épreuve récompensait la manœuvre la plus spectaculaire ; je me rappelle d’ailleurs qu’à l’inscription on nous donnait une capote, j’avais 12 ans, original, non ?

J’avais concouru aux côtés des meilleurs surfeurs européens ainsi que de mes potes Florian Talouarn et Julien Troadec, j’avais ramé à contre-courant et je n’avais même pas réussi à passer la barre, néanmoins je ne m’étais pas démonté et je n’avais pas lâché l’affaire ! »

TOST Mag : Quel est ton parcours ?

Francis Chaleat :

« J’ai fait des études supérieures en Licence STAPS, mention Éducation et Motricité, puis j’ai passé mon Brevet d’Etat pour enseigner le surf, après avoir bossé comme entraîneur j’ai repris ensuite mes études à 27 ans, pour passer un Master 1 et 2 en Management, Tourisme et Évènementiel Sportif, je voulais valider un Bac + 5 et me professionnaliser dans l’événementiel sportif.

J’ai fait mes stages chez Twenty Nine à la Torche pour mon M1 et M2. J’ai aussi reçu les félicitations des professeurs de Master pour mon mémoire concernant l’organisation des écoles de surf sur le site de la Torche et Pors Carn.

Le surf m’a permis de me « réaliser » et de m’épanouir.  Et ce master m’a permis d’avoir une reconnaissance de mon expérience pro et de mon travail personnel.

Après mon master,  je suis parti dans le Sud-Ouest pour changer d’air, j’ai enseigné le surf, la boxe et j’ai eu l’opportunité de travailler sur des événements de plus grande envergure comme le Quick Pro. Mon expérience sur le Quik pro m’a motivé à remonter pour impulser le projet du Pro Junior à La Torche.»

TOST Mag : Quel est ton Homespot préféré ?

Francis Chaleat :

« Sans aucun doute ma plage d’enfance c’est la Torche, mais il y a également plein d’autres spots que j’affectionne et qui fonctionnent bien l’hiver avec la grosse houle. »

TOST Mag : Peux-tu partager avec nous un de tes meilleurs souvenir de session ?

Francis Chaleat :

« Mon meilleur souvenir, c’était lors d’une compétition sur la Pointe de la Torche, je coachais au Championnat de France de surf en 2006 le Breton Hugo Le Frapper, 17 ans, qui était au Pôle Espoir, et pratiquait le Longboard Surf dans l’équipe de Bretagne Espoir. On se connaissait bien et on se faisait confiance.

Lors de la finale, la marée était basse, il y avait une gauche qui marchait bien, je devais lui donner des instructions. Hugo était challenger et pas favori, lors d’une dernière série de vagues, je lui ai fait signe d’attendre et de ne pas prendre la première vague, mais plutôt la suivante qui était top, il l’a surfé et a été noté (quasiment) 10 (NDLR – la meilleure note en surf donnée sur une vague).

Hugo a remporté le trophée du Championnat de France. L’autre Breton Mathieu Maréchal a fini en 3e position.

Je suis maintenant lié à vie avec lui grâce à ce super souvenir que nous partageons, ce n’était pas moi qui surfais et j’étais tellement fier de lui, Hugo m’a fait confiance dans ce moment décisif.

J’ai un autre très bon souvenir, c’est quand j’ai fait mon premier voyage solo à l’âge de 15 ans en Guadeloupe avec Florian Talouarn, on était parti tout le mois de février. Une « locale » nous hébergeait et nous préparait à manger.

C’était cool, on allait surfer à pied sur le spot « Le Moule », sans conteste l’un des spots des plus connus de l’île. Les vagues peuvent y être puissantes, il est sur un reef et attire de nombreux surfeurs. Passer 1 mois entier à surfer du matin au soir, au soleil, libre, c’est un super souvenir de surftrip, surtout à 15 ans et sans parents !»

TOST Mag : Quand tu ne surfes pas tu mixes sur tes platines ?

Francis Chaleat :

« La première fois que j’ai écouté de l’électro et plus particulièrement la House Music c’était avec les sets des DJs comme DJ Mat (alias Mathieu Le Moal). Mon premier souvenir est de le voir lors des EPSA organisé par Kanabeach, j’avais 12-13 ans, on pouvait danser sur les dunes, c’était une super ambiance, j’ai d’excellents souvenirs. Il y avait quelques DJs parmi tout ces tontons surfeurs de la Torche, ils mixaient aux platines de l’ancienne boîte de nuit de la pointe de la Torche « À l’Ouest », ou encore au Kalao à Combrit. Dans les années 90, on écoutait beaucoup de Punk Rock qui passait en bande-son sur les vidéos de surf. Je suis passé derrière les platines plus tard, à 20 ans, c’était nouveau et synonyme de fête. J’adorais aller en boîte et écouter les sets d’électro.

J’ai acheté mes premières platines avec Pierre Troadec à 20 ans, j’avais envie de faire comme ces DJs, Je suis plutôt quelqu’un d’indépendant, je n’ai jamais vraiment fait partie d’un collectif, en revanche plutôt en solo, invité par les autres collectifs. J’ai joué avec les Fresharts, Electric Picnic, Impact Electric, et maintenant le KREW KARACHA !

J’ai maintenant moins besoin de surfer et je vais plutôt boxer ou mixer sur mes platines, composer des morceaux. J’aimerais sortir un EP avec un mélange d’électro et d’acoustique (NDLR – Francis joue aussi de la guitare et clavier).

Je fais de la composition M.A.O (Musique Assistée par Ordinateur) sur le séquenceur musical professionnel « Live » de Ableton qui permet d’enregistrer des pistes et de les séquencer. Quand je fais un DJ Set, j’aime jouer les morceaux des autres et faire danser les gens. Les musiciens qui m’inspirent actuellement sont Nicolas Jaar, M83 ou encore Christophe, j’aime écouter son dernier album « Vestige du Chaos », j’aime les arrangements acoustiques et synthé. »

TOST Mag : Tu viens d’organiser le E.Leclerc Pont-l’Abbe Junior Pro La Torche avec l’ESB, peux-tu nous dire comment est né ce projet ?

Francis Chaleat :

« Après avoir bossé comme moniteur de surf et prof de boxe dans le Sud-Ouest, j’ai participé au Quick Pro, je gérais l’espace Athlètes et j’aimais le monde de l’événementiel sportif, avec mon diplôme en poche, je me disais que je pouvais aussi organiser la même chose en Bretagne.

Je pense à ce projet depuis 3 ans. C’est en discutant avec Maël l’Helgoualc’h et Florian Talouarn (NDLR – entraîneurs et préparateurs du Clés Pôle Espoir Bretagne), que j’ai compris la pertinence d’un événement pour les moins de 18 ans, le Pro Junior sur le site de la Torche était le concept le plus pertinent.

Ronan Chatain a accepté de porter le projet avec l’ESB Surf Club et son expérience allait aussi nous permettre de structurer l’événement et d’être suivi localement par les institutions. J’ai créé le premier dossier de présentation, puis nous avons présenté le projet au Salon Nautic à Paris en Décembre 2017. Lorsque j’ai trouvé notre premier gros partenaire E. LECLERC Pont l’Abbé. En parallèle Ronan a trouvé les premières subventions, nous avons gagné en confiance puis la WSL a validé le projet et intégré l’étape de la Torche dans le circuit pro junior de surf en Europe.

Tout s’est enchaîné assez vite finalement. Mais cela a été très fatigant car nous étions dans l’urgence dès le début mais il fallait porter ce projet dès 2018 ! »

TOST Mag : Le E. Leclerc Junior Pro vient de se terminer, quel bilan en dresses-tu ?

Francis Chaleat :

« Cela fait à peine 15 jours que l’événement est passé, donc à chaud : sur l’événement en lui même, nous avons eu beaucoup beaucoup de bons retours de la part de la WSL, des athlètes, du public, des institutions et de la majorité des partenaires, donc je dirais que c’est une réussite sur beaucoup de points.
Personnellement, j’avais plusieurs objectifs à travers ce projet.

Le surf et la Bretagne m’ont beaucoup donné, je voulais en retour apporter quelque chose de spécial et innovant et c’est chose faite !

J’ai entendu différents acteurs de ce sport déclarer : « le pro junior est une page de l’histoire du surf en Bretagne », je suis content de l’entendre même si je n’ai pas eu besoin d’eux pour en être convaincu !

Je voulais également me créer l’opportunité de concevoir un projet, de le défendre et d’apprendre, c’est également chose faite ! »

TOST-magazine-Francis-Chaleat-Surf-La-Torche-Mai-2018-credit-Magali-NouguierTOST Mag : D’après toi comment va évoluer le surf en Bretagne ?

Francis Chaleat :

« Parler du surf en Bretagne est très large.

Je m’arrêterai sur le plan sportif.

On est sur une logique pyramidale qui se développe. Une base de pratiquants débutants qui augmente du fait des clubs et des écoles de surf en pleine essor amenant un accès plus restreint à l’élite, si on raisonne dans une logique de performance, ce processus est très bon car il accroît la compétitivité chez le pratiquant.

Avec le Pôle Espoir, les jeunes surfeurs sont encadrés par des entraîneurs et préparateurs toute l’année et sur toute leur scolarité. On voit maintenant les résultats de ce travail de plusieurs années. Chez les Bretons, le niveau augmente ; on le constate depuis plusieurs années sur les compétitions nationales et internationales.

Le Pôle Espoir est une filière d’entraînement qui fonctionne depuis 2001 et qui connaît actuellement ses meilleurs résultats. Cependant le niveau d’expertise chez les jeunes surfeurs internationaux augmente sans cesse et la compétition est rude pour nos jeunes Bretons qui, cependant, progressent également.

Si on veut que cette filière soit de plus en plus performante, il faudra plus de moyens financiers pour permettre aux entraîneurs un cadre professionnel plus serein pour leur dégager plus de temps, approfondir leur approche de l’entraînement, suivre les athlètes sur toutes les compétitions et permettre aux athlètes et entraîneurs des stages d’entraînement en période hivernale, car progresser en hiver en combi cagoule chaussons est plus difficile qu’en short dans l’eau chaude, là ou les habiletés motrices se développent plus facilement.  Cette vision se défend lorsque l’on sait que la France accueille les J.O en 2024 et que le surf sera aux J.O.»

« Si la filière ne bénéficie pas de plus de moyens, alors la performance des athlètes continuera d’évoluer, de façon très individualisée et aléatoire, en fonction des soutiens privés, des sponsors, du soutien de la famille et de sa catégorie socio-professionnelle. Dans ce sens, nous pouvons observer dans le Sud-Ouest et même en Bretagne, des cas de déscolarisation afin de dégager plus de temps pour s’entraîner et voyager avec un suivi scolaire par le CNED. Des choix très critiqués mais qui, je pense, sont en cohérence avec la logique de l’activité. En effet, le surf se pratique dans un environnement éphémère où la capacité à s’adapter à l’instant T est une compétence majeure. Ainsi, voyager et surfer différentes vagues permet d’accroître cette compétence à s’adapter et performer sur différents supports (vague).

Si on met de côté l’idée de croissance et de développer la performance, j’estime que le Pôle Espoir Surf est déjà tellement bénéfique pour tous ces jeunes !

Elle permet à beaucoup d’entre eux de suivre une scolarité classique tout en assumant une charge d’entraînement élevée leur permettant de progresser dans leur sport, de briller pour certains au niveau national et de plus en plus au niveau européen et international !

Apprendre à gérer deux objectifs, sportif et scolaire, avec une priorité à la scolarité, est pour moi, aussi louable et valorisant que vouloir et pouvoir devenir champion du monde de surf.»

TOST Mag : Quels sont tes prochains projets ?

Francis Chaleat :

«J’en ai plein, je sais que le pro junior faisait partie du top 3 de ma « wishlist » il va falloir que je ressorte ma liste du coup 😉»

TOST Mag : As-tu une devise ?

Francis Chaleat :

«Cela semble toujours impossible jusqu’à ce qu’on y arrive » de Nelson Mandela.

TOST Mag : Tu te sens TOST (proche) de quoi ?

Francis Chaleat :

«Je me sens proche de l’océan et de mes amis avant tout.»


Interview & photos Magali Nouguier

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